Toyota prépare son arrivée
Toyota révèle à quelques jours d'intervalle les deux pilotes qui développeront sa première F1 en 2001, avant de la faire rouler en Grand Prix en 2002. Tout d'abord, l'Écossais Allan McNish, qui n'a certes jamais participé à un Grand Prix, mais fut déjà essayeur pour McLaren (1991-1992) puis Benetton (1993) avant de se consacrer avec succès à l'Endurance. Puis Mika Salo, libéré par Sauber en vertu d'une clause contractuelle qui spécifiait qu'il pouvait signer ailleurs si l'écurie suisse ne figurait pas parmi les six premiers du classement constructeurs au soir du GP de Hongrie. Avec six maigres points inscrits (tous par Salo), Sauber en est fort loin. Le Finlandais, contacté à Monaco par Ove Andersson, n'a pas mésestimé l'opportunité de devenir sur le tard (il a déjà 34 ans) le fer de lance d'un grand constructeur. « Mon intérim chez Ferrari en 1999 m'a ouvert les yeux et insufflé un surcroît d'ambition », confie-t-il. Son agent Mike Greasley lui a négocié un contrat en or: 20 millions de dollars sur quatre ans, un volant en course pour 2002-2003 et une responsabilité de directeur sportif à l'horizon 2004. Salo ne pouvait refuser pareille offre...
Par ailleurs, à Spa, Tsutomu Tomita, président de Toyota Motorsport, précise le calendrier du projet Toyota F1 en compagnie d'Ove Andersson et André de Cortanze. Le prototype de la première monoplace effectuera ses premiers essais aux mains de Salo et McNish en mars 2001, et le modèle définitif prendra la piste en février 2002. Le directeur du marketing Peter Ball dévoile l'impressionnant investissement du constructeur japonais: le team Toyota bénéficiera d'un budget annuel de 300 millions de dollars, sans compter l'apport d'un sponsor majeur encore inconnu.
Transferts: Button chez Benetton, Heidfeld chez Sauber, Wurz à la porte
Le 17 août 2000, Benetton-Renault annonce le recrutement de Jenson Button pour les deux prochaines saisons. L'étoile montante du sport automobile britannique, auteur d'une première saison remarquable avec Williams, ne coupe toutefois pas les ponts avec cette écurie qui le garde sous contrat jusqu'en 2005. Concrètement, Button pilotera pour Benetton, puis Renault en 2001-2002, et en 2003 pourra retourner chez Williams-BMW... ou être « prêté » à une autre écurie. D'autre part, ses droits de merchandising ont été rachetés par... BMW. Ni Flavio Briatore ni Renault n'y voient d'inconvénient. Ce montage un peu alambiqué laisse Button perplexe. Son manager David Robertson a proposé à Frank Williams de racheter ledit contrat pour 30 millions de dollars. Mais le maître de Grove est resté inflexible. Il tient à garder Button en réserve au cas où Juan Pablo Montoya, qui fera équipe avec Ralf Schumacher en 2001, ne donnerait pas satisfaction.
Le lendemain du Grand Prix de Belgique, Sauber annonce l'engagement pour trois ans de Nick Heidfeld qui pourra ainsi rebondir après une première saison désastreuse avec Prost GP. Peter Sauber donnera ainsi une deuxième chance au jeune pilote allemand qui n'a pu donner la mesure de son talent au volant d'une monoplace totalement ratée, et surtout dans l'atmosphère délétère de l'écurie française. Heidfeld bénéficiait d'une option avec Prost jusqu'au soir du GP de Belgique. Alain Prost a laissé filer l'échéance. Heidfeld prend ainsi de vitesse son rival germanophone Alexander Wurz qui visait lui aussi le volant Sauber. Voilà l'Autrichien à pied pour la saison 2001. Son manager Peter Cramer éreinte Flavio Briatore: « L'éviction d'Alex par Benetton est de nature strictement politique. L'écurie n'a rien à lui reprocher. » Sachant que Wurz court toujours après son premier point en 2000, c'est beaucoup s'avancer...
Présentation de l'épreuve
Francorchamps est l'épreuve « à domicile » des frères Schumacher, nés à une centaine de kilomètres de là, à Kerpen, derrière la frontière germano-belge. Cette année, Michael et Ralf inaugurent en grande pompe un musée familial dans leur ville natale, baptisé « Le monde des Schumacher »., sis tout près de la piste de karting dirigée par leur père Rolf. Sur le plan sportif, Michael Schumacher compte retrouver enfin le chemin de la victoire dans son « jardin » ardennais afin de reprendre les rênes du championnat à Mika Häkkinen. Bien que McLaren semble avoir pris l'ascendant sur Ferrari, il ressort confiant de deux jours d'essais au Mugello. « Depuis le GP de France, j'avais l'impression que McLaren galopait et que nous faisions du surplace, confie-t-il. Mais désormais, nous avons progressé, c'est sûr. Dans tous les domaines. » Quelques journalistes brodent toutefois autour d'une crise de confiance qui secouerait Ferrari et Schumacher lui-même après sa série de départs ratés, le dernier en date en Hongrie. « On écrit tellement de choses ! réplique l'Allemand. Il y a quelques temps, c'était Häkkinen qui était foutu et aujourd'hui il mène le championnat ! »
Du côté de McLaren-Mercedes, on espère rééditer à Spa le doublé de 1999. Reste à savoir dans quel ordre. David Coulthard, de nouveau dominé par Mika Häkkinen, doit renverser la vapeur s'il veut rester dans la course au titre. Dans le cas contraire, il lui faudra bientôt se mettre au service de son équipier, désormais en passe de remporter sa troisième couronne consécutive. En grande confiance, Häkkinen se contente de saluer l'excellente tenue de sa MP4/15 en essais privés. « Je suis très, très content du travail que nous avons effectué », glisse-t-il.
Bernie Ecclestone a son chouchou pour la course au titre mondial, et sans grande surprise il s'agit de son ami Schumacher: «C'est mon favori bien sûr ! Je l'aime bien, Schumi, c'est un gars gentil, pas du tout arrogant comme certains le prétendent... Son charisme est exceptionnel. Avec Ferrari, il fait un tabac. Häkkinen ? Pfff, personne ne sait qu'il est champion du monde ! Et d'ailleurs, son comportement n'a rien de celui d'un champion. » Le Finlandais se garde bien de répondre au « Supremo »... Les propos à l'emporte-pièce d'Ecclestone ne masquent pas les polémiques qui l'entourent en cet été 2000. D'abord, la vente de 50 % des droits commerciaux de la F1 au magnat allemand Thomas Haffa suscitent de nombreuses interrogations sur l'avenir économique du sport, dont on attend toujours l'entrée en bourse promise par Ecclestone depuis trois ans. En outre, ce dernier bloquerait la parution d'une biographie non-autorisée, rédigée par le journaliste Terry Lovell, qui dévoilerait les coulisses peu reluisantes de son empire financier, comme ses comptes à l'étranger ou le million de livres qu'il aurait proposé au Parti travailliste britannique pour surseoir à l'interdiction de la publicité anti-tabac outre-Manche.
Si elles investissent de plus en plus dans la recherche technologique, les grandes firmes automobiles impliquées en F1 se concertent afin de réduire les coûts, un vieux cheval de bataille porté un peu en vain par le président de la FIA Max Mosley. S'esquisse tout de même une convergence entre BMW et Renault afin de réduire drastiquement les essais privés qui coûtent très cher et empêchent les mécaniciens de prendre un repos bienvenu entre les Grands Prix. Gerhard Berger et Flavio Briatore ont convenu de plaider en ce sens auprès de Bernie Ecclestone. « Il faut abolir les essais de novembre et décembre, et réduire de moitié ceux organisés au cours de la saison, avance Briatore. Tout en gardant 17 Grands Prix par an, on libérerait ainsi trois semaines de vacances pour tout le monde. En outre, les essais devraient se dérouler sur un seul et même circuit, adaptable à différents tracés. » Tiens, c'est le portrait-robot du Paul-Ricard, propriété d'Ecclestone...
De son côté, Ecclestone milite pour la suppression des essais libres du vendredi: « C'est une journée perdue. Peu de spectateurs, les voitures ne tournent pas, aucun intérêt pour les médias ! Il faut revenir à une séance de qualification par jour, avec addition des temps ! » Les pilotes sont partagés. Jacques Villeneuve met en avant le nécessaire travail de mise au point effectué lors des « libres » du vendredi. Michael Schumacher et David Coulthard, pour une fois d'accord, estiment au contraire qu'on pourrait ramasser un week-end de Grand Prix sur deux jours, samedi et dimanche. Mika Häkkinen plaide lui pour le statu quo. C'est d'ailleurs la piste que semble vouloir suivre le président Max Mosley au prochain Conseil mondial de la FIA. Un autre sujet brûlant est encore et toujours la chasse aux aides électroniques illégales. Les directives publiées par la FIA lors du GP de Grande-Bretagne sont insuffisantes selon certaines écuries, notamment Ferrari qui aurait adressé une note en ce sens à Max Mosley et Charlie Whiting. Apparemment, ceux-ci balancent désormais entre deux alternatives opposées. Soit durcir encore la législation et renforcer les contrôles, ce qui nécessiterait l'engagement de spécialistes fort coûteux. Soit au contraire libéraliser l'usage de certaines aides, notamment l'antipatinage qui, après tout, commence à pulluler sur les véhicules de série. Pourquoi la F1 s'en priverait-elle ?
Une folle rumeur agite le paddock: Ferrari aurait proposé à Adrian Newey un pont d'or de 36 millions de dollars pour rejoindre Maranello ! Une pure intox aussitôt démentie par toutes les parties. Newey assure qu'il va prolonger son contrat avec McLaren tandis que son ami Jo Ramirez déclare que l'ingénieur anglais et sa famille n'ont de toute façon aucune envie de déménager en Italie. « Tout cela me fait bien rigoler ! » renchérit Ron Dennis. De son côté, Jean Todt confirme avoir courtisé Newey... en 1995. « Il faut croire que notre sérénité et notre stabilité dérangent certains, prêts à tout pour nous déstabiliser » lâche le manager français, acide. Malgré tout, Ferrari est tout de même parvenue à débaucher un ingénieur chez McLaren, l'aérodynamicien américain Frank Makowski, notamment chargé des cheminées d'aération sur les pontons.
L'écurie Sauber cultive la discrétion, mais en cette fin août 2000 elle est honorée par la visite du président de la Confédération helvétique, M. Adolf Ogi, par ailleurs responsable des départements des Armées et des Sports. Celui-ci salue le travail et la réussite de Peter Sauber et de ses hommes depuis une trentaine d'années dans la plupart des disciplines, en voitures de sport, protos et désormais Formule 1. Certains voient dans cette visite du président suisse une évolution des mentalités concernant le sport automobile: toute compétition (à l'exception des courses de côte) est toujours interdite en terre helvétique depuis la catastrophe du Mans en 1955.
La Scuderia Minardi célèbre son 250ème Grand Prix de Formule 1, un vrai exploit pour une structure qui survit avec courage et persévérance depuis bientôt 15 ans. Comme chaque année à la même époque, son avenir est incertain. Gabriele Rumi et Giancarlo Minardi cherchent toujours les moyens d'acquérir le V10 Supertec pour 2001, en vain. Le directeur technique Gustav Brunner, qui voulait s'aboucher avec Bruno Michel afin d'adapter le futur châssis au moteur français, s'est vu adresser une fin de non-recevoir: pas de contrat, pas de collaboration ! Ce week-end, Minardi nomme en outre un successeur à son directeur sportif Cesare Fiorio, évincé après le GP d'Allemagne. Après un intérim exercé par le coordinateur technique Gabriele Tredozi, c'est Frédéric Dhainaut, 48 ans, qui retrouve ce poste qu'il avait déjà occupé avant Fiorio, entre 1996 et 1998. Depuis deux ans, le Français s'était à moitié éloigné de la Formule 1 : selon son propre aveu, il a conçu une machine pour laver les roues des bolides de course !...
McLaren adopte à Spa la configuration aérodynamique de Magny-Cours, mais les journalistes avouent ne pas bien suivre l'évolution de la MP4/15 parce que les hommes de Ron Dennis dissimulent celle-ci à leurs regards indiscrets... Ferrari inaugure une évolution majeure de la F1-2000, testée au Mugello. L'aileron avant en flèche est abandonné au profil d'un aileron à face linéaire doté de profils latéraux inédits. À l'arrière, le canal central du diffuseur est pourvu de cloisons arrondies. Enfin, la Scuderia utilise en qualifications la version C de son V10 049. Chez Williams, Geoff Willis poursuit l'évolution aérodynamique de la FW21 au niveau du diffuseur et des échappements. La BAR-Honda de Villeneuve est munie d'une nouvelle direction assistée électro-hydraulique. Les Sauber C19 sont très remaniées, avec un nouveau diffuseur et une suspension arrière allégée par l'utilisation du titane et du carbone.
Essais et qualifications
Les essais libres du vendredi se déroulent sous un chaud soleil. Coulthard se montre le plus rapide la journée (1'53''398''') devant Häkkinen et un surprenant Herbert. Les Ferrari (Schumacher 5e, Barrichello 7e) paraissent très instables. Samedi matin, Häkkinen (1'51''043''') précède Button et Trulli. Coulthard rencontre des problèmes de moteur.
L'après-midi, toujours sous le soleil, Häkkinen réalise la pole position (1'50''646''') après avoir opté pour de nouveaux réglages. Sur l'autre McLaren-Mercedes, Coulthard (5e) rencontre un manque d'adhérence et son dernier tour est ruiné par un drapeau jaune provoqué par Alesi. Trulli (1'51''419''') décroche une sensationnelle deuxième place avec sa Jordan-Mugen-Honda. Après Monaco, c'est sa seconde première ligne de la saison. Frentzen (8e) perd son meilleur chrono pour avoir court-circuité la chicane. Le jeune Button fait sensation en hissant sa Williams-BMW au troisième rang, à seulement 25 millièmes de Trulli. R. Schumacher (6e) est en revanche mécontent de l'équilibre de sa machine. Tout va mal chez Ferrari: la F1-2000 est trop lente dans le second secteur. M. Schumacher (4e) concède près d'une seconde à Häkkinen. Barrichello (10e) exécute un tête-à-queue à l'Arrêt de Bus.
Les BAR-Honda ne sont pas aussi performantes qu'attendu sur ce circuit rapide. Villeneuve (7e) déplore du survirage et Zonta (13e) du sous-virage. Chez Jaguar-Ford, Herbert (9e) devance un Irvine (12e) en quête d'adhérence. Des problèmes de fiabilité chez Benetton: Fisichella (11e) subit un pépin moteur et Wurz (19e) une chute de pression d'huile. Les Prost-Peugeot sont très sous-vireuses. Heidfeld (14e) reste en piste, contrairement à Alesi (17e) qui exécute une figure dans les dernières minutes. Les Sauber-Petronas (Diniz 15e, Salo 18e) souffrent d'un cruel manque de grip. Les Arrows-Supertec (de la Rosa 16e, Verstappen (20e) sont victimes de sous-virage. Enfin, les Minardi-Fondmetal (Gené 21e, Mazzacane 22e) sont repoussées à quatre secondes de la pole et subissent des avaries d'électronique de boîte.
Il pleut dimanche matin sur Francorchamps et le warm-up se dispute sur piste humide. Fisichella est victime d'un crash spectaculaire dans le raccordement de Stavelot: il perd le contrôle de sa Benetton qui se fracasse dans le mur de pneu et retombe sur l'arceau. L'Italien s'en tire avec une jambe douloureuse et devra disputer la course avec le mulet. Villeneuve endommage l'arrière de sa BAR en fin de séance. Häkkinen signe en 2'03'' un meilleur chrono symbolique.
Le Grand Prix
La piste est encore très humide en début d'après-midi. Sans doute afin d'éviter un carambolage au premier freinage de La Source, comme en 1998, Charlie Whiting décide de donner le départ derrière la voiture de sécurité. La quasi-totalité des pilotes choisissent les pneus Bridgestone dits « intermédiaires », c'est-à-dire pour une pluie moyenne. Seul Diniz sélectionne les pneus rainurés, c'est-à-dire pour piste sèche. La gestion des gommes sera cruciale cet après-midi car Bridgestone a apporté un composé très tendre.
Départ: Le peloton s'ébranle derrière la voiture de sécurité pilotée par Bernd Mayländer.
1er tour: La piste est finalement peu humide, même si les projections d'eau sont encore assez importantes. En fin de tour, la Safety Car est rappelée aux stands et libère la meute après ce tour de formation officieux.
2e: Le drapeau vert est brandi. Häkkinen prend deux secondes d'avance sur Trulli. M. Schumacher attaque Button aux Combes, sans succès. Villeneuve résiste à Frentzen. Barrichello double Herbert. Diniz s'offre un tête-à-queue et se retrouve dernier.
3e: La trajectoire commence à s'assécher. Häkkinen précède Trulli (3.8s.), Button (4.2s.), M. Schumacher (5.8s.), Coulthard (6.4s.), R. Schumacher (7.3s.), Villeneuve (10s.), Frentzen (10.6s.), Barrichello (11.5s.) et Herbert (12.5s.).
4e: Button attaque Trulli au premier freinage et se jette à l'intérieur. Il sous-vire cependant à la réaccélération, ce qui permet à l'Italien de reprendre la deuxième place. En fin de tour, Button tente en vain de se porter à la hauteur de Trulli, et c'est finalement M. Schumacher, très opportuniste, qui le surprend par l'intérieur à l'Arrêt de Bus.
5e: Schumacher assaille Trulli à La Source et le déborde par l'intérieur. Le pilote Jordan prend la corde au moment où Button tente de se faufiler dans le trou ouvert par Schumacher. Il heurte la roue arrière-droite de l'Italien et l'expédie en tête-à-queue. Si Button poursuit sa route, débordé par Coulthard et R. Schumacher, Trulli cale son moteur et met pied à terre. En fin de tour, Häkkinen compte neuf secondes d'avance sur M. Schumacher. Alesi est le premier pilote à basculer sur les gommes pour le sec.
6e: Alors que la trajectoire est presque sèche, Heidfeld, Verstappen et Gené prennent les pneus rainurés. Dans les stands, les mécaniciens se préparent pour la ruée. Alesi est le plus rapide en piste.
7e: M. Schumacher apparaît chez Ferrari pour chausser les gommes rainurées. R. Schumacher, Villeneuve, Frentzen, Barrichello, Herbert, Fisichella, Zonta, de la Rosa et Wurz changent aussi d'enveloppes.
8e: En début de tour, Häkkinen stoppe chez McLaren, met les pneus pour le sec (7.2s.) et reste en tête devant Coulthard et M. Schumacher. Button change aussi de gommes (7.3s.). Il ressort derrière R. Schumacher et Alesi qui a eu la bonne idée d'anticiper son pit-stop. Irvine, Salo et Mazzacane passent aussi aux stands.
9e: Coulthard est le dernier à prendre les pneus « secs » (7.2s.), bien trop tard puisqu'il se relance en neuvième position. Barrichello dépasse Frentzen. Fisichella est victime d'une coupure électrique à la sortie de l'Arrêt de Bus. Surpris, Verstappen endommage son aileron contre le derrière de la Benetton.
10e: Häkkinen mène devant M. Schumacher (5.), R. Schumacher (13s.), Alesi (18s.), Button (25s.), Villeneuve (27s.), Barrichello (27.5s.), Frentzen (29s.), Coulthard (31s.) et Diniz (32.5s.). Les commissaires dégagent avec peine la Benetton de Fisichella, fort mal placée. Verstappen fait remplacer son museau.
11e: Le soleil paraît sur Francorchamps. Schumacher est plus rapide que Häkkinen: sa Ferrari, réglée pour piste sèche et donc peu appuyée, semble plus efficace que la McLaren. Dans le peloton, Barrichello met la pression sur Villeneuve.
12e: M. Schumacher est revenu à quatre secondes de Häkkinen. Très rapide avec sa Prost réglée pour le sec, Alesi reste au contact de R. Schumacher.
13e: Häkkinen met une roue sur une bande blanche en sortant de Stavelot et exécute un demi-tête-à-queue vers la droite. Échoué dans l'herbe, il parvient à ne rien toucher, se redresse et repart, mais Schumacher a recueilli les commandes de l'épreuve. Heidfeld renonce: il a perdu l'usage de son premier rapport et, le circuit d'huile étant commun, le moteur a fini par rompre.
14e: M. Schumacher compte six secondes d'avance sur Häkkinen. Toujours étonnant, Alesi réduit son retard sur R. Schumacher. De la Rosa subit un « stop-and-go » de 10 secondes pour avoir dépassé Diniz sous drapeau jaune.
15e: M. Schumacher est leader devant Häkkinen (6.5s.), R. Schumacher (15s.), Alesi (19s.), Button (27.6s.), Villeneuve (31.2s.), Barrichello (31.8s.), Frentzen (33s.), Coulthard (34s.), Diniz (37s.), Herbert (39s.) et Irvine (40s.).
17e: M. Schumacher attaque et repousse Häkkinen à dix secondes. Bien plus loin, Barrichello klaxonne toujours derrière Villeneuve.
18e: Schumacher tourne en 1'54'' contre 1'55'' pour Häkkinen. L'Allemand « tape » dans ses pneus mais les refroidit en empruntant les zones humides dans les lignes droites.
19e: Alesi arrive chez Prost pour son premier ravitaillement (9.2s.) et repart en 10e position. À l'entrée de Pouhon, Salo prend la 12e place à Irvine au culot, en roulant sur la portion humide.
20e: L'écart est stable entre Schumacher et Häkkinen. Barrichello effectue un pit-stop fort court (6.5s.) et glisse au 11e rang.
21e: M. Schumacher précède Häkkinen (10.3s.), R. Schumacher (20s.), Button (36s.), Villeneuve (40s.), Frentzen (44s.), Coulthard (45s.) et Alesi (55s.).
22e: Diniz ravitaille et doit faire changer son museau, endommagé à La Source. Arrêts aussi pour Zonta et Gené.
23e: M. Schumacher entre aux stands afin d'effectuer son seul ravitaillement (11s.). Il reprend la piste derrière son frère. Häkkinen retrouve la première place. Barrichello double Herbert dans Kemmel. Deuxième arrêt pour Salo.
24e: Häkkinen devance R. Schumacher de dix secondes. M. Schumacher roule à quatre secondes de son frère. Coulthard est bloqué derrière Frentzen. Villeneuve effectue son pit-stop (9s.) et ressort derrière Herbert.
25e: R. Schumacher opère un pit-stop (9s.) et ressort devant Frentzen et Coulthard. Ravitaillement aussi de Wurz.
26e: Häkkinen attaque mais ne gagne que trois dixièmes sur M. Schumacher. Button ravitaille (9.3s.) et repart derrière Barrichello qui doit stopper une seconde fois. Arrêt de de la Rosa.
27e: Häkkinen rejoint les stands en fin de tour avec 15 secondes d'avance sur Schumacher. De la Rosa doit passer aux stands une quatrième fois à cause d'une crevaison.
28e: Häkkinen remet du carburant et pneus neufs (8.8s.), puis reprend la piste en seconde position. Barrichello prend la 6e place à Alesi.
29e: Schumacher a repris la tête mais ses gommes s'usent déjà. Häkkinen revient à cinq secondes. Frentzen et Coulthard entrent aux stands de concert. Les mécaniciens de McLaren sont plus prompts que ceux de Jordan et l'Écossais redémarre un cheveu devant l'Allemand. Herbert ravitaille aussi. Mazzacane manque son emplacement en rejoignant le stand Minardi. Il doit être poussé par ses mécaniciens pour pouvoir ravitailler.
30e: M. Schumacher devance Häkkinen (3.8s.), R. Schumacher (20.4s.), Barrichello (31.4s.), Alesi (35s.), Button (37.4s.), Coulthard (45.4s.), Frentzen (48s.), Villeneuve (55s.) et Diniz (1m. 03s.). Barrichello réalise le meilleur tour de la course (1'53''803'''). Ravitaillement d'Irvine.
31e: Häkkinen est nettement plus rapide que Schumacher dans les premier et troisième secteurs. Trois secondes les séparent en fin de boucle. Alesi passe chez Prost pour un second pit-stop (7.2s.) et repart derrière Villeneuve, loin des points.
32e: Häkkinen n'a plus que deux secondes et demie de retard sur M. Schumacher. Coulthard est lancé aux trousses de Button.
33e: Barrichello rejoint les stands à faible allure, visiblement sans essence. Il se gare à l'entrée de la pit-lane. Alesi s'immobilise pour sa part à l'Arrêt de Bus: une canalisation s'est rompue dans son réservoir d'essence... Salo ravitaille pour la seconde fois.
34e: Häkkinen signe son meilleur chrono (1'54''469''') et n'a plus qu'une seconde et demie de retard sur Schumacher. Les mécaniciens de Ferrari poussent la voiture de Barrichello vers le stand, mais le Brésilien ne repartira pas, officiellement à cause d'une chute de pression d'essence.
35e: M. Schumacher n'a plus qu'une seconde d'avance sur Häkkinen. R. Schumacher évolue à 25 secondes des deux leaders.
36e: Schumacher roule toujours sur les portions humides de Kemmel pour refroidir ses pneus. Mais Häkkinen roule 10 km/h plus vite que la Ferrari dans les lignes droites. Button repousse une attaque de Coulthard à La Source.
37e: Coulthard déborde Button par l'extérieur au freinage des Combes et conquiert la quatrième position.
38e: M. Schumacher précède Häkkinen (0.8s.), R. Schumacher (27s.), Coulthard (42s.), Button (43s.), Frentzen (51s.), Villeneuve (1m. 10s.), Herbert (1m. 23s.), Salo (1m. 25s.) et Irvine (1m. 26s.).
39e: Schumacher continue d'emprunter la portion humide dans Kemmel, ce qui prive Häkkinen d'aspiration. Mais le Finlandais est de plus en plus pressant.
40e: Häkkinen parvient à se laisser aspirer dans la ligne droite de Kemmel et déborde Schumacher par l'intérieur. Mais ce dernier lui ferme la porte d'un rude coup de volant. Häkkinen insiste un peu avant de céder. Schumacher garde l'ascendant. Puis les deux leaders doublent l'attardé Gené.
41e: Schumacher et Häkkinen rejoignent Zonta en quittant l'Eau Rouge. Tout se décide dans la pleine charge de Kemmel. Schumacher contourne la BAR par la gauche, mais Häkkinen, très audacieux, choisit la droite, hors trajectoire, sur le gras mouillé. Zonta a le sang froid de ne pas dévier de sa ligne. Les deux leaders l'enrhument. Au freinage, Häkkinen surprend Schumacher, le pousse légèrement vers la gauche et s'impose. Le Finlandais s'empare du commandement grâce à ce chef d'œuvre de dépassement.
42e: Häkkinen s'enfuit et a course gagnée. Il devance M. Schumacher (2s.), R. Schumacher (36s.), Coulthard (41s.), Button (49s.) et Frentzen (56s.).
43e: Häkkinen se fraie un chemin parmi les attardés et compte deux secondes d'avance sur Schumacher.
44e et dernier tour: Mika Häkkinen remporte le GP de Belgique devant M. Schumacher. R. Schumacher finit troisième et grimpe sur son deuxième podium de la saison. Coulthard se classe quatrième. Button termine cinquième malgré sa bévue du 5e tour. Frentzen est de nouveau sixième. Suivent Villeneuve, Herbert, Salo, Irvine, Diniz, Zonta, Wurz, Gené, Verstappen, de la Rosa et Mazzacane.
Après la course: Häkkinen et le dépassement du siècle
Une fois le damier franchi, Mika Häkkinen bifurque vers les stands pour garer sa McLaren, puis part à la rencontre de Michael Schumacher afin d'évoquer courtoisement leur passe d'armes, et notamment de la manœuvre de défense très appuyée du « Baron rouge » au 40e tour. Mais on ne décèle nulle animosité entre les deux hommes. Häkkinen n'a pas le cœur à la rancune. Il sait qu'il vient d'accomplir la plus belle course de sa carrière. Il est parvenu à triompher malgré un tête-à-queue, en reprenant dix secondes à Michael Schumacher, le « roi » de Spa, et en le doublant au moyen d'un geste d'anthologie, peut-être le dépassement de la décennie. Cet exploit le place parmi les grands de la Formule 1, n'en déplaise à Bernie Ecclestone.
Sur le podium, Häkkinen reçoit une chaleureuse ovation du public, avant de revenir sur sa course : « C'était à la fois incroyable et inhabituel, avec des situations périlleuses. Mon tête-à-queue n'était pas vraiment programmé... Ici, les courbes et les bordures sont très glissantes. Quand elles vous prennent, il n'y a pas grand-chose à faire. J'ai été très chanceux de continuer. Il a fallu alors partir à la chasse de Michael. Ce fut fabuleux, la voiture marchait de mieux en mieux. J'ai essayé de dépasser Schumacher une première fois au sommet des Combes, mais sa voiture est soudain devenue trop large ! Ce fut un moment pénible et je crois que mon aileron a tapé sa roue arrière-gauche. Bon, c'était tout de même correct, on a le droit de changer une fois de trajectoire... De là, j'ai mis en route le plan B au tour suivant. Je suis sorti de la Source et j'ai négocié l'Eau Rouge très vite, à fond de 7e, pour me placer dans le sillage de Michael. Pas assez près pour tenter un nouveau dépassement mais pour être prêt à la moindre opportunité. Puis nous sommes arrivés sur Zonta. Dès que j'ai vu Michael partir sur la gauche, je me suis blotti derrière lui pour gagner de la vitesse, puis j'ai plongé à droite. Je n'ai réfléchi à rien, j'ai agi par instinct. Et j'ai doublé les deux d'un coup ! Ce qui est assez inhabituel. »
Après un samedi calamiteux, Michael Schumacher a bien cru renverser la table ce dimanche lorsque des conditions changeantes et le tête-à-queue de Mika Häkkinen lui ont permis de recueillir la première place. De toute évidence, l'Allemand et son staff avaient vu juste en optant pour des réglages « sec ». Las, la McLaren était de toute façon bien plus rapide que sa Ferrari, trop lente dans les potions rapides. Il semble que la F1-2000 fut ici particulièrement délicate à régler, d'où un rajout d'appui qui de fait a réduit sa vitesse de pointe. Schumacher ne dissimule pas un certain dépit: « Pendant deux ou trois tours, j'ai cru que je pouvais contenir Häkkinen jusqu'à l'arrivée. Puis j'ai compris qu'il n'y avait rien à faire. S'il n'avait pas réussi ce fameux dépassement, il m'aurait doublé plus tard. Ce qui est embêtant, c'est que nous ignorons l'origine de nos difficultés. Moteur ? Aérodynamique ? Châssis ? En arrivant ici, je croyais que nous avions fait un bond en avant. Il faut continuer à travailler. » À quatre courses du terme de la saison, Schumacher concède six points à Häkkinen, un écart qui n'a rien d'insurmontable. Mais il lui faut à tout prix enrayer dès Monza la marche victorieuse de son adversaire qui a remporté trois des quatre derniers Grands Prix.
Par ailleurs, Schumacher sait gré à Häkkinen de pas s'être plaint de sa manœuvre de défense musclée du 40e tour: « Vous, les gars, vous êtres tranquillement assis devant vos écrans, mais nous, on ne voit rien d'autre qu'un bout de bitume ! » lance-t-il cinglant aux journalistes. « Pour moi, tout est clair: il a voulu s'infiltrer à droite, je suis passé de gauche à droite. Mika sait analyser ce genre de choses avec professionnalisme. Il faut être loyal et à la limite. C'est ainsi entre nous. Cette même manœuvre avec un autre type, par exemple un Écossais que je connais bien, aurait eu d'autres conséquences. Il se serait plaint. Pas Mika. C'est un grand professionnel. Son dépassement a été brillant, compliment à lui. » Schumacher a choisi son adversaire préféré... Häkkinen sourit en écoutant ce laïus, sans doute pas tout à fait dupe de la pommade que lui passe son rival...
Ajoutons pour finir que l'héroïque dépassement de Mika Häkkinen n'aurait pas été possible sans la correction exemplaire du troisième protagoniste, le retardataire Ricardo Zonta. « J'avais entrevu Schumacher et Häkkinen dans la descente vers l'Eau Rouge, raconte celui-ci. Une demi-seconde plus tard, sans sommation, je me suis retrouvé cerné, sur la gauche et la droite, par deux missiles venus d'ailleurs ! Ce fut un spectacle étonnant. Je n'ai pas dévié d'un centimètre. Et puis la course a repris normalement... »
Ce Grand Prix de Belgique représente une étape importante de cette saison 2000. Certes, rien n'est joué pour le titre pilotes, Mika Häkkinen (74 points) n'ayant qu'une faible avance sur M. Schumacher (68 pts). Mais désormais cette lutte se résumera sans doute à un duel car Coulthard (63 pts), malchanceux ce dimanche, rappelé trop tard aux stands en début de course, semble condamné à repasser sous la férule de son équipier. Barrichello (49 pts) est désormais hors-course. Au classement des constructeurs, McLaren-Mercedes (125 pts) prend un peu de marge sur Ferrari (117 pts). La troisième place de ce championnat paraît dorénavant acquise à Williams-BMW (30 pts) qui a amassé six unités cet après-midi, notamment grâce au beau podium de Ralf Schumacher. « Comme Michael, j'aime bien Spa. Il ne me reste plus qu'à y gagner », glisse le cadet de la fratrie, impatient de pouvoir à terme se mêler à la lutte entre les Gris et les Rouges...
Sources :
- Renaud de Laborderie, Le Livre d'or de la Formule 1 2000, Paris, Solar, 2000.
- Sport auto, octobre 2000
- Auto Hebdo, 30 août 2000
Tony