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Le calendrier républicain (suite)

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Le nouveau calendrier et sa nomenclature ont donc été adoptés par la Convention.

Quelques amendements sont proposés.

Le 19 brumaire, la Convention décide que tous les décrets sur le calendrier seront fondus en un seul.

Lors d'une séance du Comité d'Instruction publique le 29 brumaire an II (19 novembre 1793) un membre demande qu'il soit nommé deux commissaires pour présenter un système complet de fêtes pour l'année républicaine. David et Romme se voient confier cette tâche.

La refonte du grand décret est présentée par Romme, au nom du Comité d'Instruction publique, à la Convention le 4 Frimaire an II. Elle est adoptée par la Convention.

En voici le texte :

Décret de la Convention nationale sur l’Ere nouvelle, le commencement et l’organisation de l’Année, et sur les noms des Jours et des Mois.

Du 4ème jour de Frimaire an second de la République française, une et indivisible.

1. L’ère des Français compte de la fondation de la république, qui a eu lieu le 22 septembre 1792 de l’ère vulgaire, jour où le soleil est arrivé à l’équinoxe vrai d’automne, en entrant dans le signe de la balance, à 9 heures 18 minutes 30 secondes du matin pour l’observatoire de Paris.

2. L’ère vulgaire est abolie pour les usages civils.

3. Chaque année commence à minuit, avec le jour où tombe l’équinoxe vrai d’automne pour l’observatoire de Paris.

4. La première année de la république française a commencé à minuit le 22 septembre 1792, et a fini à minuit, séparant le 21 du 22 septembre 1793.

5. La seconde année a commencé le 22 septembre 1793 à minuit, l’équinoxe vrai d’automne étant arrivé ce jour-là, pour l’observatoire de Paris, à 3 heures 11 minutes et 38 secondes du soir.

6. Le décret qui fixait le commencement de la seconde année au I.er janvier 1793, est rapporté ; tous les actes datés l’an second de la république, passés dans le courant du I.er janvier au 21 septembre inclusivement, sont regardés comme appartenant à la première année de la république.

7. L’année est divisée en douze mois égaux, de trente jours chacun ; après les douze mois suivent cinq jours pour compléter l’année ordinaire ; ces 5 jours n’appartiennent à aucun mois.

8. Chaque mois est divisé en trois parties égales, de dix jours chacune, qui sont appelées décades.

9. Les noms des jours de la décade sont : primidi, duodi, tridi, quartidi, quintidi, sextidi, septidi, octidi, nonidi, décadi. (note : primdi devient primidi)

Les noms des mois sont, pour l’automne, vendémiaire, brumaire, frimaire ; pour l’hiver, nivôse, pluviôse, ventôse ; pour le printemps, germinal, floréal, prairial ; pour l’été, messidor, thermidor, fructidor.

Les cinq derniers jours s’appellent les sans-culotides.

10. L’année ordinaire reçoit un jour de plus, selon que la position de l’équinoxe le comporte, afin de maintenir la coïncidence de l’année civile avec les mouvements célestes. Ce jour, appelé jour de la révolution, est placé à la fin de l’année et forme le sixième des sans-culotides. (note : la Sanculottide devient jour de la révolution et sanculottides devient sans-culotides)

La période de quatre ans, au bout de laquelle cette addition d’un jour est ordinairement nécessaire, est appelée la franciade, en mémoire de la révolution qui, après quatre ans d’efforts, a conduit la France au gouvernement républicain. La quatrième année de la franciade est appelée sextile. (note: le mot bissextile utilisé à tort par Fabre dans son rapport du 24 octobre est remplacé par sextile)


11. Le jour, de minuit à minuit, est divisé en dix parties ou heures, chaque partie en dix autres, ainsi de suite jusqu’à la plus petite portion commensurable de la durée. La centième partie de l’heure est appelée minute décimale ; la centième partie de la minute est appelée seconde décimale. Cet article ne sera de rigueur pour les actes publics, qu’à compter du I.er vendémiaire, l’an 3.e de la république.

12. Le comité d’instruction publique est chargé de faire imprimer en différens formats le nouveau calendrier, avec une instruction simple pour en expliquer les principes et l’usage.

13. Le calendrier, ainsi que l’instruction, seront envoyés aux corps administratifs, aux municipalités, aux tribunaux, aux juges de paix et à tous les officiers publics, aux armées, aux sociétés populaires et à tous les colléges et écoles. Le conseil exécutif provisoire le fera passer aux ministres, consuls et autres agens de France dans les pays étrangers.

14. Tous les actes publics seront datés suivant la nouvelle organisation de l’année.

15. Les professeurs, les instituteurs et institutrices, les pères et mères de famille, et tous ceux qui dirigent l’éducation des enfans, s’empresseront à leur expliquer le nouveau calendrier, conformément à l’instruction qui y est annexée.

16. Tous les quatre ans, ou toutes les franciades, au jour de la révolution, il sera célébré des jeux républicains, en mémoire de la révolution française.


Les fêtes républicaines :

Ce ne sont ni Romme ni David qui proposèrent un projet sur les fêtes, mais un certain Mathieu, député de l'Oise, lors d'une séance du Comité d'Instruction publique du 9 ventôse an II (27 février 1794) :

"Elle célèbrera tous les ans, les événements et les époques les plus mémorables de la Révolution. Cinq fêtes seront instituées pour les rappeler aux français.
Ces fêtes seront : 1) le 14 juillet 1789; 2) le 10 août 1792 et 1793; 3) le 6 octobre 1789; 4) le 21 janvier 1793; 5) le 31 mai 1793
"

Il se rajoutait au projet : la fête de la révolution tous les 4 ans (6ème jour des sans-culottides), les 5 autres sans-culottides et une fête tous les décadis de l'année.

Le projet fut retenu par le Comité de Salut public et les fêtes décadaires portèrent les noms suivants :

A l'Etre suprême et à la nature A l'héroïsme
Au genre humain Au désintéressement
Au peuple français Au stoïcisme
Aux bienfaiteurs de l'humanité A l'amour
Aux martyrs de la liberté A la foi conjugale
A la liberté et à l'égalité A l'amour paternel
A la République A la tendresse maternelle
A la liberté du monde A la piété filiale
A l'amour de la patrie A l'enfance
A la haine des tyrans et des traîtres A la jeunesse
A la vérité A l'âge viril
A la justice A la vieillesse
A la pudeur Au malheur
A la gloire et à l'immortalité A l'agriculture
A l'amitié A l'industrie
A la frugalité Aux aïeux
Au courage A la postérité
A la bonne foi Au bonheur

A la séance de la Convention nationale du 18 fructidor an II (4 septembre 1794), Thibeaudeau (vous connaissez, vous ?) présente un rapport qui fait suite à un projet présenté à la séance du Comité d'Instruction publique du 15 fructidor an II (1 septembre 1794).

Il propose de supprimer les 5 fêtes des sans-culottides pour ne faire un jour de repos que la cinquième qui serait à la fois fête de la vertu, du génie, du travail de l'opinion et des récompenses.

Ce projet est adopté par la Convention le 19 fructidor an II (5 septembre 1794).


Les Sextiles :

Pour faire suite aux articles 4 et 10 du décret du 4 frimaire an II (en haut de cette page), il avait été joint au décret une table donnant les années sextiles pour les 13 prochaines années de la République : an III, an VII et an XI.

Mais, il s'avère, selon les calculs de l'astronome Delambre (non consulté en 1793), que les années sextiles ne reviennent pas si régulièrement que cela et que, trois fois en un siècle, l'intervalle entre deux années sextiles compterait... 5 ans. D'autre part, il constata que, compte tenu de l'imprécision des calculs de l'époque, il serait impossible de dire à l'avance si l'équinoxe tomberait avant ou après 24 heures lorsque l'heure calculée de l'équinoxe était trop proche de minuit.

Delambre propose d'en revenir au système grégorien d'intercalation, communique ses conclusions à Lalande et Laplace qui alertent Romme : il convient de revoir les articles 3 et 10 du décret.

Romme, à son tour, saisit le Comité d'Instruction publique qui le charge d'étudier la question et de s'entourer de toutes les compétences de l'époque. Elles ont pour nom Delambre, Lagrange, Pingré, Laplace, Lalande, Messier, Nouet.

Delambre leur expose son projet le 29 Germinal (18 avril 1795) qui est adopté.

Romme présente le 19 floréal an III (8 mai 1795) un projet de décret lors d'une séance du Comité d'Instruction publique :

ARTICLE PREMIER. La quatrième année de l’ère de la République sera la première sextile : elle recevra un sixième jour complémentaire, et terminera la première franciade .
ART. 2. Les années sextiles se succéderont de quatre en quatre ans, et marqueront la fin de chaque franciade.
ART. 3. Sur quatre années séculaires consécutives, sont exceptées de l’article précédent la première, la deuxième, la troisième années séculaires, qui seront communes : la quatrième seule sera sextile.
ART. 4. Il en sera ainsi de quatre en quatre siècles, jusqu’au quarantième, qui se terminera par une année commune.
ART. 5. Il sera annexé une Instruction au présent décret pour faciliter l’application de la règle qu’il renferme, et faire connaître les principes qui en font la base.
ART. 6. Tous les ans il sera extrait de la Connaissance des temps et présenté à l’Assemblée nationale un annuaire pour les usages civils : calculé sur des observations exactes, il servira de type aux calendriers qui se répandront dans la République.
ART. 7. La Commission d’instruction publique est chargée d’accélérer, par tous les moyens qui sont à sa disposition, la propagation des nouvelles mesures du temps.
Elle est autorisée à renouveler tous les ans la nomenclature des objets utiles qui doivent accompagner l’annuaire pour chaque jour, et sur lesquels il doit être fait des notices instructives pour l’usage des écoles.

Si vous lisez attentivement la dernière phrase du projet, vous constaterez que Romme a enfin tenu compte des observations que je faisais dans la première page consacrée au calendrier républicain : on va enfin pouvoir changer de temps à autre les noms des plantes, animaux et autres objets ! On va pouvoir consacrer certains "dimanches" à Wolf, Ferguson ou autre Black et Decker (une fin de décade pour Black, une autre pour Decker).

Mais je plaisante et j'en ai honte parce que ce n'est pas trop le moment. Nous sommes en 1795. Romme est au nombre des 14 représentants décrétés d'arrestation par la Convention le 1 prairial. Il est emprisonné au château du Taureau en Bretagne et condamné le 29 prairial (17 juin 1795). Sa triste fin l'empêchera de mettre un point final à "son" calendrier.

Le 7 messidor (25 juin 1795) est créé le Bureau de Longitudes.

Ce Bureau débute sa carrière par un volte-face assez incompréhensible : le 8 thermidor an III (26 juillet 1795), il demande au Comité D'instruction publique de faire adopter le mode d'intercalation proposé par Romme et les astronomes. Le 14 thermidor an III (1 août 1795), il propose, au contraire, de ne rien changer aux dispositions existantes.

Le problème des sextiles fut donc enterré sans être jamais réglé.


La fin du calendrier républicain :

Le calendrier républicain était né petit à petit à coup de décrets et de modifications. Il va mourir de la même façon, à coup de critiques. Sa mort sera aussi politique que sa naissance.

Nous allons voir tout cela mais, pour ma part, je me pose une question : à part pour les actes civils, a-t-il vraiment été utilisé par le peuple français en si peu d'années ? Quand on voit les difficultés qu'éprouvent certains (dont je suis, j'en ai bien peur) pour passer à l'euro, on peut se poser la question.

En ce qui concerne les critiques, je vous livre quelques extraits de l'opinion de Lanjuinais, député, le 30 thermidor an III :

"C'est d'abord un problème de savoir quel jour commence l'année dans le nouveau calendrier. [...] les nouveaux noms des mois sont vérité dans le nord, et perpétuel mensonge au midi. [...] Le décadi ne s'accorde point avec la nature. Il n'y a ni hommes, ni animaux qui supportent neuf jours de travail consécutif. [...] Pourquoi la plus solennelle des fêtes religieuses est-elle dans le calendrier de Romme et de Fabre d'Eglantine le jour du chien ? [...] Je vote donc pour que le calendrier des assassins de la France ne soit pas constitutionnellement le calendrier du peuple français."

L'idée de Bonaparte était de faire de la religion catholique une religion d'État.

Partant de là, il fallut bien, pour des raisons inverses que celles qui l'avaient imposé, démolir le calendrier républicain.

Et il commence cette destruction en tordant le cou au décadi : par arrêté des consuls du 7 thermidor an VIII, seuls les fonctionnaires sont soumis au décadi. Le 18 germinal an X, le repos des fonctionnaires est fixé au dimanche. La semaine devient à nouveau légale.

Le 28 floréal an XII (18 mai 1804) le Sénat proclame Napoléon Empereur des français et Pie VII consacre l'événement le 13 frimaire an XIII (4 décembre 1804).

Et c'est le 22 fructidor an XIII (9 septembre 1805), un peu avant l'arrivée de Pie VII, que le Sénat décrète que "à dater du 11 nivôse prochain, le calendrier grégorien sera remis en usage dans tout l'Empire français". le 11 nivôse, c'était le 1 janvier 1806.

Ce fut Laplace lui-même qui présenta le rapport de la commission "pour l'examen du projet de sénatus-consulte portant rétablissement du calendrier grégorien".

Et, par sa voix, le calendrier républicain ne mourut pas "dans la honte" : "Il ne s'agit point d'examiner quel est, de tous les calendriers possibles, le plus naturel et le plus simple. Nous dirons seulement que ce n'est, ni celui qu'on veut abandonner, ni celui qu'on vous propose de reprendre..."

Bref, ni oui ni non. Laplace acceptera successivement le titre de Comte proposé par Napoléon et celui de Marquis proposé par Louis XVIII.

Le calendrier républicain fut remis en vigueur pendant la Commune du 6 au 23 mai 1871... et rentra dans l'Histoire de France.

"Remis en vigueur" est d'ailleurs peut-être excessif. En fait, on peut noter des dates formulées dans le calendrier républicain sur une affiche du début de la "semaine sanglante" du 23 mai 1871 (notée 3 prairial an 79) et trois autres dans le Journal Officiel (édition parisienne) concernant trois arrêtés du 6 mai 1781 :

- Un arrêté concernant la délégation à la guerre. (15 floréal)
- Un arrêté concernant la destruction d'une chapelle "expiatoire" de Louis XVI. (16 floréal)
- Une arrêté concernant l'organisation des chemins de fer. (16 floréal)

Ces quelques événements marquent plus une volonté de "marquer le coup" que de remettre vraiment en vigueur le calendrier républicain.

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