« Alexis Carrel » : différence entre les versions

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'''Alexis Carrel''', né le {{Date de naissance|28|juin|1873|âge=non}} à [[Sainte-Foy-lès-Lyon]] et mort le {{Date de décès|5|novembre|1944}} à [[Paris]], est un [[chirurgie]]n, [[biologiste]], écrivain scientifique et [[eugéniste]] [[Français (peuple)|français]].
 
Pionnier de la [[chirurgie vasculaire]], lauréat du [[prix Nobel de physiologie ou médecine]] en 1912, il fut renommé pour son [[Immortalité#Alexis Carrel|expérience du cœur de poulet battant ''in vitro'']] pendant un temps très supérieur à la vie d'un poulet - expérience invalidée par la suite<ref>« Ses expériences, effectuées avec l’aide d’Ebeling, sur le cœur d’un poulet maintenu en vie dans un milieu artificiel pendant une trentaine d’années ont été invalidées par la science ultérieure, et l’on ne sait pas exactement si les « résultats » de Carrel, qui furent annoncés par la presse de l’époque, sont dus à un subterfuge ou à une erreur sincère », TORT Patrick, « 8. Un nazi français passé par l’Amérique : le docteur Alexis Carrel », dans : , ''Du totalitarisme en Amérique. Comment les États-Unis ont instruit le nazisme'', sous la direction de TORT Patrick. Toulouse, Érès, « Société », 2022, p. 89-115. URL : https://www.cairn.info/du-totalitarisme-en-amerique--9782749275369-page-89.htm</ref>. Il effectua la plupart des recherches après 1917 au sein de l'[[université Rockefeller|Institut Rockefeller]], à [[New York]].
 
Avec sa technique de la [[culture tissulaire]], Alexis Carrel est le premier scientifique qui ait réussi, en 1926, à faire se multiplier le [[virus]], en principe incapable de se reproduire ailleurs que dans des cellules vivantes. Il a ouvert la voie pour développer le [[vaccin]] dans l'optique de lutter contre le virus<ref>[[Patrick Berche]], ''Une histoire des microbes'', p. 118, 2007 {{lire en ligne|lien=https://books.google.fr/books?id=_yMQBAAAQBAJ&pg=PA118}}.</ref>.
Dès les années 1930, il développe des considérations pseudo-philosophiques dans un ouvrage intitulé ''L'Homme, cet inconnu'' (1935) où il préconise l'[[eugénisme]] ; dans la traduction allemande de ce livre en 1936 , il fait l'éloge de la politique eugéniste de l’[[Troisième Reich|Allemagne nazie]]<ref name="Unversalis"/>. Il adhère dès 1937 au [[Parti populaire français|P.P.F.]], parti [[Fascisme|fasciste]] de [[Jacques Doriot]]<ref name="Unversalis"/>. Les opinions antidémocratiques d'Alexis Carrel, qui associent [[Mysticisme chrétien|mysticisme]] chrétien et [[Racialisme|racisme scientifique]], s'accordent avec celles que diffuse le [[régime de Vichy]] dès 1940<ref name="Unversalis"/>. En 1941 grâce au soutien du [[Philippe Pétain]], Alexis Carrel crée et dirige à Paris la Fondation française pour l'étude des problèmes humains - une fondation eugéniste<ref name="Unversalis">{{article encyclopédique|langue=fr-FR|titre=ALEXIS CARREL|encyclopédie=Encyclopædia Universalis|url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/alexis-carrel/|consulté le=2022-12-06|site=Encyclopædia Universalis}}</ref>.
 
Ses dernières années s'avèrent sombres. Il a été, jusqu'à la [[Libération de la France|Libération]], le régent de la [[Fondation française pour l'étude des problèmes humains]], soutenue par le [[Régime de Vichy|gouvernement de Vichy]].
 
== Biographie ==
=== Famille ===
Il naît à [[Sainte-Foy-lès-Lyon]], commune natale de sa mère, le 28 juin 1873<ref group=nl name=p105>{{p.| 105}}.</ref>, en tant qu'aîné de trois enfants. À sa naissance, il reçoit le prénom de Marie-Joseph-Auguste<ref group=dh name=p1>{{p.| 1}}.</ref>. Puis sa mère donne naissance à son frère Joseph et à sa sœur cadette Marguerite<ref group=dh name=p1 />.
 
Fils d'Alexis Carrel-Billiard<ref name="cths">Comité des travaux historiques et scientifiques [https://cths.fr/an/savant.php?id=111851]</ref>, fabricant de textile, il devient orphelin à l'âge de cinq ans<ref name=cths />. Sa mère, Anne-Marie Ricard<ref name=cths /> († 1905<ref group=dh name=p3>{{p.| 3}}.</ref>), l'éleva. À la suite dude la décèsmort de son père, le garçon adopte le prénom de celui-ci, et s'appelleappelant désormais Alexis Carrel-Billiard, tout comme son père jusqu'mort en 1904<ref group=dh name=p2002>p. 2, note n° 2</ref>{{,}}<ref name="bnf">Notice Bnf [https://data.bnf.fr/12571112/alexis_carrel/]</ref>.
 
La famille est issue de la bourgeoisie catholique. Parmi les membres de sa famille, Alexis compte plusieurs religieux et religieuses y comprisdont [[Pierre-Marie Belmont]], évêque de [[archidiocèse de Clermont|Clermont]]<ref group=dh name=p1 />{{,}}<ref group="note">Le père de l'évêque Pierre-Marie-Octave Belmont, Jean-François Belmont, était le grand-père maternel de la mère d'Alexis Carrel (généalogie par Henri Paturel [https://gw.geneanet.org/sopat34?lang=fr&pz=maxime+louis+jacques&nz=paturel&p=jean+francois&n=belmont] Jean-François Belmont)</ref>. Il s'agissaitagit de grandes maisons de la [[Histoire de la soierie à Lyon#Les grandes maisons de la soie lyonnaise|soierie à Lyon]] et c'est la, raison pour laquelle la famille habitait près de la [[Croix-Rousse]], quartier prospère<ref group=dh name=p1 />. Or, laLa mort du père obligea cette famille à vivre plus modestement<ref group=dh name=p2>{{p.| 2}}.</ref>.
 
Après avoir reçu le prix Nobel, il épouse, le 26 décembre 1913 à Paris, Anne [[Famille Gourlez de La Motte|Gourlez de La Motte]] (1877-1967)<ref>Le vicomte Albert Révérend, ''Armorial du premier empire'', tome II, p. 256, 1895 [https://books.google.fr/books?id=ky82AQAAMAAJ&pg=PA256] voir II. Alfred-Auguste Gourlez de la Motte et sa fille cadette Anne.</ref>, veuve du marquis Henri Jarret de La Mairie et petite-fille du général [[Auguste Étienne Marie Gourlez de Lamotte|Auguste-Étienne-Marc Gourlez de La Motte]]<ref group=anm name=p455>{{p.| 455}}.</ref>. Elle est infirmière et capable de seconder ses recherches à New York<ref group=anm name=p5>{{p.| 5}}.</ref>{{,}}<ref group=uft name=p47 />. De cette union, il n'aura aucune descendance, sa femme ayant un fils d'une première union<ref group=nl name=p105 />.
 
=== Formation et diplôme ===
Il est élève du [[lycée Saint-Marc de Lyon|collège jésuite Saint-Joseph de Lyon]]<ref group=dh name=p3 />. Sa formation auprès des [[Jésuites]], représentée par le mot ''{{lien|eloquentia perfecta}}'', aura une influence sur sa pensée et ses écritures<ref group=dh name=p3 />. Aussi Alexis Carrel-Billiard s'intéresse-t-il aux sciences naturelles<ref group=nl name=p105 />.
 
Le jeune Alexis songe d'abord au service médical des armées, comme son oncle Joseph Ricard<ref group=dh name=p4>{{p.| 4}}.</ref>. Or, après avoir obtenu le [[baccalauréat littéraire]] en 1889, il commence à étudier la [[médecine]] à l'[[université de Lyon (Histoire)|université de Lyon]] en octobre 1891 et obtient en 1893 son diplôme de médecine<ref group=nl name=p105 />, qui lui ouvre l’[[externat (médecine)|externat]]<ref group=anm name=p4>{{p.| 4}}.</ref>. Il a comme professeurs [[Joseph Teissier]], [[Mathieu Jaboulay]], [[Antonin Poncet]] et [[Léon Bérard (médecin)|Léon Bérard]]<ref group=anm name=p4 />. Par autorisation spéciale<ref>Notice Bnf [https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb134656560] ; son œuvre ''Étude pharmacodynamique du chlorhydrate d'éthylmorphine dionine'', 1900 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5823547j]</ref>, il peut se rendre à toute heure au laboratoire du docteur Marcel Soulier pour ses expériences<ref group=uft name=p41>{{p.| 41}}.</ref>.
 
[[fichier:Marie-Anne Leroudier.jpg|vignette|Pour entretenir son habileté manuelle, Alex Carrel n'hésite pas à apprendre la [[broderie]] chez [[Marie-Anne Leroudier]], une des meilleures brodeuses de Lyon.]]
Puis, il travaille entre 1893 et 1898, tant dans plusieurs hôpitaux de Lyon ainsi que pour les [[chasseurs alpins]]<ref group=nl name=p105 />. En ce qui concerneChez ces derniers, il participe,est dèsmobilisé en novembre 1894 et pour une année, au [[service militaire en France|service militaire obligatoire]] en qualité de médecin auxiliaire<ref group=dh name=p4 />{{,}}<ref group=anm>p. 19 - 20</ref> au [[col du Fréjus]]<ref group=anm name=p19>{{p.| 19}}.</ref>. En 1896, il est nommé [[Interne des hôpitaux en France|interne]], après un premier échec<ref group=anm>p. 4 et 20</ref>{{,}}<ref group=dh name=p8>{{p.| 8}}.</ref>. Pendant ces années, il s'oriente de plus en plus vers la recherche en [[chirurgie]], surs'intéressant à la compatibilité des tissus etainsi lesqu'aux sutures. Notamment, lL'assassinat du président [[Sadi Carnot (homme d'État)|Sadi Carnot]] en 1894 à Lyon luiparticipe donneà cette motivation<ref group=nl name=p105 />{{,}}<ref group=uft>p. 40 - 41</ref>.
 
Devenu interne, Carrel commence à écrire régulièrement lesdes articles, à partir de 1896. Le bulletin ''Lyon Médical'' en compte quatre en 1897 et cinq en 1898. Dès 1899, ce jeune docteur envoie ses écrits à Paris aussi. Cette année même, il publie neuf articles au total. D'après Ugo Filippo Tesler<ref>The Cardiothoracic Surgery Network {{en}} [https://www.ctsnet.org/home/utesler]</ref> (2020), en [[chirurgie cardiaque]], les études de Carrel qui furent effectuées à cette période possédaient déjà un niveau supérieur à celles d'autres chercheurs<ref group=uft name=p42>{{p.| 42}}.</ref>. Il réussit à maîtrisermaîtrise des sujets difficiles à traiter, sur lesquels lesauxquels d'autres avaient échoué. Il se distingue par son attention méticuleuse et par ses facultés d'apprentissage. Chaque soir, chez [[Marie-Anne Leroudier]] à Lyon, il effectue son exercice pour améliorer et pour raffiner sa technique<ref>Revue ''[[Canadian Medical Association Journal]]'', tome 131-9, p. 1142, ''The Genius of Alexis Carrel'', le {{1er}} novembre 1984 {{en}} [https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1483795/?page=1]</ref>{{,}}<ref>Site Artour, ''Famille Leroudier'' [https://ar-tour.com/guides/lyon---le-cimetire-de-loyasse/6-famille-leroudier.aspx].</ref>. Puis il invente lui-même des instruments plus sophistiqués. Enfin, saSa [[contrôle des infections#Contrôle des infections dans les établissements de santé|technique aseptique]] est effectuée le pluspratiquée strictement possible. C'est pourquoi ilIl peutmet mettreainsi au point, par exemple, une méthode adéquate pour relier deux [[vaisseau sanguin|vaisseaux sanguins]] déchirés<ref group=uft name=p42 />{{,}}<ref name="sade">Robert M. Sade (université médicale de la Caroline du Sud), ''A Surprising Alliance : Two Giants of the 20th Century'', US National Library of Medecine, 2017 {{en}} [https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/5439301/]</ref>.
 
=== Premier poste et doctorat ===
En février 1899, Alexis Carrel est accueilli, d'abord adjoint puis [[prosecteur]] (anatomique), auprès du laboratoire de [[Léo Testut|Jean-Léo Testut]] à Lyon<ref group=dh name=p14>{{p.| 14}}.</ref>. Sous la direction de ce grand médecin-anatomiste, Carrel obtient en 1900 son doctorat<ref group=nl name=p105 />. Cette thèse en 303 pages sur l'opération du [[cancer de la thyroïde]], dont on apprécie l'expérienceappréciée, est finalement publiée à Lyon en 1900 et à Paris en 1901 (Alexis Carrel-Billard, ''Le goitre cancéreux'')<ref group=dh name=p4014>p. 14, note n° 24</ref>.
 
Par ailleurs, dansDans cette année 1900, il obtient une part d'héritage du grand-père maternel, ce qui lui permit d'étudier, en toute liberté<ref group=dh>p. 2 - 3</ref>.
 
Puis, il publie son premier article sur les sutures vasculaires en 1902 ; les méthodes qui y sont développées (comme la triangulation qui est l'[[Anastomose (médecine)|anastomose]] de vaisseaux de calibres différents en plaçant au préalable trois fils d'appui sur la circonférence vasculaire) sont encore en usage un siècle plus tard. L'article est publié dans le bulletin ''Lyon Médical''<ref group=nl name=p108>{{p.| 108}}.</ref>.
 
Tout en opérant aux [[Hospices civils de Lyon]], il donne des cours d'[[anatomie]] et de [[chirurgie]] aux internes de l'Université de Lyon (Faculté de Médecine). Parmi ses étudiants, il compte [[René Leriche]]<ref group=dh name=p16>{{p.| 16}}.</ref>.
 
Si Alexis Carrel parvient à établir sa réputation à Lyon, il lui faut trouver un poste en qualité de chirurgien dans un hôpital. Le 9 décembre 1901, la ville de Lyon ouvre un concours pour un poste vacant. Carrel échoue, [[Léon Bérard (médecin)|Léon Bérard]] est sélectionné<ref group=dh>p. 15 - 16</ref>. Cet échec et l'affaire de Lourdes (v. ''infra'') causent finalement son départ.
 
=== ConversionPolémique à Lourdes ===
En mai 1902, en remplaçant un de ses collègues incapable d'effectuer sa mission{{refsou}}, il part verspour le [[sanctuaire de Lourdes]]. Une jeune fille qu'il avait examinée dans son train de pèlerinage, atteinte de [[méningite tuberculeuse]], obtient sa guérison totale le 28 mai. En tant que médecin d'accompagnement, il note en détail son état grave, puis cet événement inattendu et inexplicable. Le rétablissement de cette patiente, du nom de Marie Bailly, qu'il rapporte dans un bulletin paroissial, provoque des réactions très hostiles de la part des médecins lyonnais<ref group="anm" name="p4" />{{,}}<ref group="note">Dans le bulletin ''Église à Lyon'', publié en 1902 où l'événement était arrivé, on trouve une phrase (p. 64) : « Entre les guérisons obtenues, il en est une qui a fait tant de bruit à Lyon que nous croyons devoir la mentionner maintenant, nous réservant d'y revenir plus tard. » Sans doute l'étude de Patrick Theillier ''Lourdes, Terre de guérisons'' (2019) explique-t-elle bien la cause : un journal de Lyon ''Le Nouvelliste'' aurait présenté un faux interview avec Alexis Carrel, ce que réfuta, le lendemain, Carrel, lui-même. Ainsi, selon le journal, Carrel aurait dit : « J'ai craint qu'elle ne puisse supporter le voyage. » Or, dans ''Le Voyage de Lourdes'' de Carrel : [abbé P.] « Elle est si faible que je crains un malheur. » [https://books.google.fr/books?id=C5KbDwAAQBAJ&pg=PT71].</ref>{{,}}<ref group="note" name="inconnu">En 1935, dans ''L'Homme, cet inconnu'', il résumait cet événement (Carrel, 1935, p. 174 - 175, note n° 1) : « Les guérisons miraculeuses se produisent rarement. Malgré leur petit nombre, elles prouvent l'existence de processus organiques et mentaux que nous ne connaissons pas. ... Il [Alexis Carrel] a commencé cette étude en 1902, à une époque où les documents étaient rares, où il était difficile pour un jeune docteur, et dangereux pour sa future carrière, de s'occuper d'un tel sujet. Aujourd'hui, tout médecin peut observer les malades amenés à Lourdes, et examiner les observations contenues dans les archives du Bureau Médical. »</ref>. Ainsi tous les concours disponibles à Lyon refusent-ils Carrel. En outre, les communautés chrétiennes aussi le critiquent, le considérant par trop sceptique<ref group="uft" name="p43">{{p.| 43}}.</ref>{{,}}<ref name="jaki" />.
 
Carrel qui était agnostique se convertit au catholicisme<ref>{{Article|prénom1=Thomas S.|nom1=Helling|titre=Alexis Carrel and His Voyage of Discovery: Miracles and the Spirituality of Healing|périodique=Journal of Religion and Health|volume=61|numéro=6|pages=4565–4584|date=2022-12|issn=1573-6571|pmid=35939224|doi=10.1007/s10943-022-01626-1|lire en ligne=https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35939224/|consulté le=2024-07-20}}</ref>.
 
=== De Lyon aux États-Unis ===
Déçu, il part en décembre 1903 verspour Paris où il progresse encore dans ses études<ref group=nl name=p106>{{p.| 106}}.</ref>. Puis, dans l'optique de devenir paysan au [[Canada]], il traverse l'océan Atlantique en mai 1904<ref group=uft name=p43 />. Or, deuxDeux chirurgiens de l'[[Hôtel-Dieu de Montréal]], Adelstan et François de Martigny, l'invitent au congrès de l'Association des médecins de la langue française de l'Amérique du Nord, tenu en juin. Parmi les membres passionnés par la présentation de Carrel, le professeur-chirurgien de l'[[université de l'Illinois à Chicago]] Carl Beck décide immédiatement de lui proposer un poste chez lui. Les frères de Martigny, quant à eux, écrivent leur lettre de recommandation au professeur George Neil Stewart, spécialiste de [[physiologie]] auprès de l'[[université de Chicago]]. Lorsque Carrel arrive à Chicago en septembre, il choisit, entre ces deux propositions, le laboratoire de Stewart, ce qui ne suscite aucune opposition de Beck<ref group=uft name=p44>{{p.| 44}}.</ref>.
 
Alexis Carrel acquiert une renommée considérable aux États-Unis. Le médecin Charles Claude Guthrie est son coauteur<ref group=nl name=p106 />. Avec lui, il présente les perfectionnements successifs de ses techniques d'[[Anastomose (médecine)|anastomoses vasculaires]], démontrant pour la première fois qu'une veine pouvait être substituée à une artère, rapportant la première transplantation d'organe expérimentale en 1905. En vingt-deux mois, ils écrivent vingt-et-un articles<ref name=sade />. Grâce aux techniques inventées par Carrel, leur équipe réalise, en 1905 et 1906, une remarquable série de transplantations sur des animaux<ref group=nl name=p106 />. Leur article est accepté en 1906 par le ''[[Journal of the American Medical Association]]''<ref group=nl name=p108 />.
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=== Institut Rockefeller ===
[[fichier:PSM V80 D416 Rockefeller institute for medical research.png|vignette|upright=1.3|Institut Rockefeller où Carrel fut actif de septembre 1906 à juin 1939. Par égard aux talents de Carrel, Simon Flexner lui accorda une liberté et des prérogatives étendues : ainsi, tous les murs de son laboratoire étaient peints en noir, pour réduire la luminosité. Ceux qui y étaient admis devaient revêtir une blouse noire aseptique conçue par Carrel<ref name="photos">Université Rockefeller, ''Dark Operation Clothes'' {{lire en ligne|lien=https://digitalcommons.rockefeller.edu/odyssey-science-medicine/37/|texte=photo en ligne}} ; ''Carrel's Laboratory'' {{lire en ligne|lien=https://digitalcommons.rockefeller.edu/laboratories-and-equipment/13/|texte=photo en ligne}} 1923</ref>.]]
En avril 1905, invité par [[Harvey Cushing]], il participe à un congrès tenu à l'[[université Johns-Hopkins]]. C'est à cette conférence qu'il rencontre [[Simon Flexner]], récemment nommé directeur du ''Rockefeller Institute for Medical Research'', devenu [[université Rockefeller]]. Flexner propose un poste à Carrel dans le laboratoire pour la chirurgie expérimentale<ref group=uft>p. 44 - 45</ref>{{,}}<ref group=dh name=p84>{{p.| 84}}.</ref>. Carrel accepte cette proposition, en renonçant à celle de Johns-Hopkins, la meilleure école de médecine de l'époque<ref group=dh name=p6060>{{p.| 60}} - 62</ref>, et prend son poste à New York en septembre 1906<ref group="uft" name="p45">{{p.| 45}}.</ref>.
 
Carrel obtient ses premiers résultats dans le domaine de la [[chirurgie vasculaire]] et celui de la [[greffe (médecine)|greffe]]<ref group="uft" name="p45" />. Notamment en 1908, inspiré par la recherche de [[Ross Granville Harrison]]<ref group="uft" name="p48" />, Carrel réalise la première auto-transplantation rénale parfaitement fonctionnelle sur une chienne<ref>{{Ouvrage|auteur1=René Küss|auteur2=Pierre Bourget|titre=Une histoire illustrée de la greffe d'organes|sous-titre=la grande aventure du siècle|éditeur=Frison-Roche|année=1993|isbn=|passage=29}}.</ref>. Focalisant ses travaux sur la chirurgie cardiaque à partir de 1909, il remarque le rôle potentiel de la revascularisation myocardique<ref group="uft" name="p46" />.
 
Il réussit, à partir du 17 janvier 1912, à garder le tissu du muscle cardiaque, prélevé du cœur d'un [[embryon]] de poulet. Placé dans un bain nutritif, ce fragment continua à vivre jusqu'en 1946<ref group="uft" name="p48" />.
 
D'autre part, après que Flexner a contribué, par ses études, à maîtriser l'épidémie de New York, apparue en 1905, [[John Davison Rockefeller|John D. Rockefeller]] et [[John Davison Rockefeller Junior|John D. Rockefeller Jr.]] renforcent leur soutien financier pour l'institut<ref group="dh" name="p87">{{p.| 87}}.</ref>. Carrel profite donc ainsi d'abondantes ressources comme nul autre<ref name="nature1924" />.
 
=== Prix Nobel ===
En 1912, il obtient le [[prix Nobel de physiologie ou médecine]] {{Citation|en reconnaissance de ses travaux sur la [[suture (médecine)|suture]] vasculaire et la [[Greffe (médecine)|transplantation]] de cellules sanguines et d'organes<ref name=laureat_nobel_1912>[[Fondation Nobel]], {{Lien web Nobel|url=http://www.nobelprize.org/prizes/medicine/1912/carrel/facts|titre=The Nobel Prize in Physiology or Medicine 1912|auteur=Personnel de rédaction|année= 2010|éditeur=Fondation Nobel|citation=in recognition of his work on vascular suture and the transplantation of blood vessels and organs|consulté le= 22 novembre 2010}}.</ref>}}. À l'âge de trente-neuf ans, il devient le plus jeune lauréat de prix Nobel<ref group=uft name=p46>{{p.| 46}}.</ref>. Il a pu être considéré comme le meilleur chercheur de son temps pour la chirurgie vasculaire et la chirurgie cardiaque {{,}}<ref group="uft">p. 53 - 54</ref>.
 
Bien qu'Alexis Carrel soit toujours français, il procure aux États-Unis leur premier prix Nobel de physiologie ou médecine, au nom de l'Institut Rockefeller<ref name=laureat_nobel_1912 />{{,}}<ref group=nl name=p106 />. Dans ce domaine, les États-Unis ne connaîtront le deuxième lauréat qu'en 1933 ([[Thomas Hunt Morgan]]). Il gagne tout de suite son immense popularité dans ce pays. En 1915, il est sélectionné, par ''The Technical World Magazine'' qui fait choisir, par vote, les douze scientifiques américains les plus distingués (''The greatest American scientists''), avec son directeur de l'institut [[Simon Flexner]]. La liste de candidats comptait mille scientifiques<ref>''The Technical World Magazine'', tome 23, p. 243, 1915 ; Association of Edison Illuminating Compagnies, ''Edison, Honored Throughout the Entire World'', p. 22, 1929 ; les dix autres étaient [[Thomas Edison]], [[George Washington Goethals]], [[William C. Gorgas]], [[Alexander Graham Bell]], [[Jacques Loeb]], [[Albert A. Michelson]], [[Theodore William Richards]], [[George Ellery Hale]], [[David Starr Jordan]] et [[William H. Welch]] ; consultés en ligne le 8 mars 2022</ref>.
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[[fichier:Dr. Alexis Carrel and wife LCCN2014695128.jpg|vignette|Le couple Alexis et Anne Carrel en janvier 1914, juste après leur mariage ; photo dans la collection George Grantham Bain auprès de la [[bibliothèque du Congrès]].]]
[[fichier:Dr. Alexis Carrel LCCN2014708483.jpg|vignette|Le Docteur Carrel en mission pour l'armée américaine.]]
Quand la [[Première Guerre mondiale]] éclate, Carrel décide de rester en France. D'abord, il soutient son ami [[Léon Bérard (médecin)|Léon Bérard]] qui aide les hospices civils de Lyon, et collabore avec [[Auguste Lumière]] pour la [[radiographie]]<ref group="anm" name="p5" />. Après avoir constaté un grand nombre d'infections sérieuses, il signale aux autorités qu'il faut établir une méthode normalisée, dans l'optique de soigner sans délai les soldats blessés. Ainsi naît l'idée de l'hôpital expérimental près du front<ref group=uft name=p47 />. À la suite de la promotion par le ministre de la guerre, il est nommé le 11 décembre médecin aide major de {{1re}} classe<ref group=anm name=p28>{{p.| 28}}.</ref> et réussit à obtenirobtient l'autorisation de lacréer création d'un hôpital expérimental<ref group=uft name=p47 />.
 
Sa mission est établie en mars 1915 à [[Compiègne]]. Il s'agit de l’hôpital temporaire n° 21 du Rond Royal, qui est situé à seulement 20 km du [[front militaire]]<ref group=uft name=p47 />. Sitôt, Carrel y accueille le président [[Raymond Poincaré]] et le ministre de la Guerre [[Alexandre Millerand]]<ref group=anm name=p347>{{p.| 347}}.</ref>. En s'apercevant des difficultés rencontrées par les chirurgiens français, Carrel fait évoluer l'équipement de l'hôpital, grâce aux soutiens de l'Institut Rockefeller<ref group=anm>p. 5 et 277</ref> ainsi que du Comité central des secours américains (The American Relief Clearing House, créé le 26 novembre 1914<ref>Percy Mitchell ([[université Brigham-Young]]), ''The American Relief Clearing House'' {{en}} [https://net.lib.byu.edu/estu/wwi/memoir/Clearing/arch6.html]</ref>)<ref group=anm>p. 84 - 85 et 90 - 96</ref>. Le projet est respecté. Lors de la fondation, une noble britannique, Lady Margaret Rose Westmacott, mit à disposition de Carrel son microscope à haute résolution jusqu'à ce que la guerre se termine et fait une donation pour les blessés de l'hôpital<ref group=anm name=p447>{{p.| 447}}.</ref>.
 
L'équipe se compose de plusieurs scientifiques distingués, tel [[Pierre Lecomte du Noüy]], tandis qu'Anne Carrel est chargée de diriger celle des infirmières<ref group=anm name=p5 />. [[Georges Clemenceau]] exprime, par lettre datée du 3 novembre 1916, que sa fille [[Madeleine Clemenceau-Jacquemaire|Madeleine Jacquemaire]], alors infirmière, souhaiterait faire un stage d'observation dans cet hôpital<ref group=anm name=p157>{{p.| 157}}.</ref>. Avant l'inauguration, Carrel avait accueilli trente-cinq infirmières, toutes formées à la [[Institut et haute école de la santé La Source|Haute école de La Source]] à [[Lausanne]]<ref>Georgette Mottier, ''L'ambulance du {{Dr}} Alexis Carrel; 1914 - 1919'', 1977 ; compte-rendu de [[Pierre Huard]] (1978) [https://www.persee.fr/doc/rhs_0151-4105_1978_num_31_3_1591]</ref>{{,}}<ref group=anm name=p399>{{p.| 399}}.</ref>.
 
Il soutient, à la suite de l'[[États-Unis dans la Première Guerre mondiale|entrée des États-Unis dans la guerre]] en avril 1917, la mission diplomatique d'[[André Tardieu]]. Par lettre datée du 3 mai, il recommande à François Monod, qui était chargé par Tardieu de s'en aller aux États-Unis, de rencontrer Frederic René Coudert<ref name="coudert">Notice Bnf [https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb12447343r]</ref>, avocat international et ami de Carrel à New York<ref group=anm name=p339>{{p.| 339}}.</ref>.
 
=== La méthode Carrel - Dakin ===
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Cette méthode est adoptée d'abord par l'armée française et régularisée par un film de cette armée, tourné en 1915 à l'hôpital de [[Compiègne]] (voir [[#Liens externes en vidéo|'''Liens externes en vidéo''']]). Cependant, en raison de sa manœuvre difficile à exécuter, de nombreux chirurgiens militaires français préférent la méthode classique, dite de [[Joseph Lister]]<ref name="charles">''Journal of Medical Biography'', compte-rendu de Charles T. Ambrose ''A Letter from Alexis Carrel concerning the Preantibiotic Treatment of War Wound'', {{en}} [https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0967772018808366]</ref>.
 
Cette méthode gagne en réputation. Par lettre datée du 29 novembre 1916, l'ancien président des [[États-Unis]], [[Theodore Roosevelt]], félicite son accomplissement<ref group=anm name=p386>{{p.| 386}}.</ref>. Tant la [[Compagnie des mines de Béthune]] que l'entreprise [[U.S. Steel]] envoient leurs chirurgiens, pour le stage à Compiègne, dans le cadre des accidents du travail<ref group=anm>p. 5, 48, 334 et 359</ref>. Surtout Fred Kilmer, auprès de l'entreprise pharmaceutique [[Johnson & Johnson]], comprend l'importance de cette méthode et fait fabriquer les matériaux réservés à cette méthode. Pendant la guerre, son usine au [[Nouveau-Brunswick]] produit, 24 heures sur 24, la trousse contenant tout ce qui est requis pour faciliter le traitement, dont deux ampoules d'ingrédients à mélanger, qui sont inventées par cette entreprise. En effet, son atelier d'étude veut limiter les [[erreur humaine|erreurs humaines]], en considérant que certains hôpitaux ne seraient pas capables de fournir correctement la solution et les appareils<ref name="sterile">[[Johnson & Johnson]], ''Carrel-Dakin's Sterile Irrigation System, 1917'' {{en}} [https://ourstory.jnj.com/carrel-dakins-sterile-irrigation-system]</ref>. Le « bémol » de la méthode est résolu. Comme elle distribue gratuitement le mode d'emploi aux chirurgiens, le nom de Carrel est bien diffusé : ''La méthode Carrel-Dakin pour la désinfection de plaie''<ref name=johnson />.
 
==== Résultats obtenus ====
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==== Hôpital militaire à New York ====
Pendant la guerre, il effectue deux fois le voyage aux États-Unis, en y passant la majeure partie de l'année 1917. En effet, à cause de mauvaises pratiques de sa méthode qui ne respectent pas la procédure stricte, de nombreux résultats tragiques provoquent l'opposition des soignants en France<ref name="gillett" />{{,}}<ref group="anm">p. 218 - 219</ref>. Déçu, Carrel expédie finalement une lettre à un colonel américain<ref name="charles" />. Étant donné que la guerre n'est pas encore terminée, l'Institut Rockefeller décide de transformer son jardin en plusieurs bâtiments d'hôpital provisoire, avec pour but de former des chirurgiens (et des infirmières) auprès de l'armée américaine et de la marine<ref group="anm">p. 7 et 42</ref>. Carrel est rappelé aux États-Unis par [[Simon Flexner]] et chargé d'enseigner lui-même sa méthode<ref group="anm" name="p7">{{p.| 7}}.</ref>. À la différence de son hôpital à Compiègne, celui de New York est mobile (la construction ne dura que six semaines)<ref>The Rockefeller Institute for Medical Research, ''The War Demonstration Hospital'', 1917 {{lire en ligne|lien=https://archive.org/details/53410800R.nlm.nih.gov/page/n3/mode/2up}}.</ref>. Le cours durant deux semaines est offert tant aux chirurgiens de l'[[American Expeditionary Force]] sous le colonel-chirurgien Bailey Ashford qu'aux soignants de la [[Croix-Rouge américaine]]<ref name="gillett">Mary Gillett, ''The Army Medical Department 1917 - 1941'', p. 274 - 275, 2009 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=SbUx48PwHngC&pg=PA274]</ref>. Jugée mission importante, à partir du 24 août 1918, l'hôpital devient celui de l'armée, qui est dorénavant réservé aux soldats blessés, jusqu'à la fermeture survenue en avril 1919<ref>The Medical Department of the U. S. Army in the World War, tome V, ''Military Hospitals in the United States'', p. 817, 1923 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=dwBRAQAAMAAJ&pg=PA817]</ref>. La méthode Carrel y est pleinement en usage<ref>Peter Weber, ''A U. S. Army Medical Base in World War I France'', p. 47 - 49 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=rPGjDwAAQBAJ&pg=PT54]</ref>.
 
{{Gallery|fichier:The Independent (1849) (14595636487).jpg| width=200 | height=200 |Article du magazine ''[[Harper's Weekly|The Independent]]'' du 21 avril 1917, annonçant la création d'un hôpital militaire<ref group=note name=independent>Le texte, qui est omis dans cette image, précisait : « The greatest war surgeon, Dr. Alexis Carrel, is to take charge of a military hospital unit in New York and teach United States Army and Navy surgeons his methods. The Rockefeller Fondation has given $200.000 for the work (Le plus grand chirurgien engagé de la guerre, docteur Alexis Carrel, est en train d'être chargé, auprès de l'hôpital militaire à New York, d'enseigner son méthode aux chirurgiens de l'armée et de la marine de guerre américaines. La fondation Rockefeller donna 200.000 dollars au projet.) » {{lire en ligne|lien=https://archive.org/details/independen89v90newy/page/164/mode/2up}}.</ref>.|fichier:The war demonstration hospital - its plan and construction (1917) (14780419492).jpg|Vue de l'hôpital avant l'inauguration (juillet 1917)|fichier:The war demonstration hospital - its plan and construction (1917) (14780788975).jpg|Intérieur de l'hôpital (juillet 1917)|fichier:The war demonstration hospital - its plan and construction (1917) (14594081490).jpg|Plans de deux bâtiments.
}}
 
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Une fois les questions de l'infection et de la plaie résolues par sa méthode, Carrel désire se concentrer sur le sujet du choc opératoire, qui préoccupe les hôpitaux militaires<ref group=anm name=p28 />. Il commence à y travailler avec [[Antoine Depage]] à [[La Panne]], mais doit s'interrompre faute de temps<ref group=anm>p. 6 - 7</ref>.
 
À la fin de la guerre, tous les établissements qu'il a organisés en France sont démobilisés fin 1918. Le célèbre hôpital de Compiègne est détruit, au soir du 22 mars, par un bombardement aérien<ref group=uft name=p48>{{p.| 48}}.</ref>. Au début de janvier 1919, Carrel retourne à l'Institut Rockefeller<ref group=anm name=p7 />.
 
Avec son épouse, il devient, en 1922, le propriétaire de l'[[île Saint-Gildas]] située en Bretagne<ref group=uft name=p52>{{p.| 52}}.</ref>{{,}}<ref group=th name=p23>{{p.| 23}}.</ref>. Carrel acquiert la chapelle, l'oratoire Saint-Roch, vendus par la municipalité de [[Penvénan]]<ref group=th name=p24>{{p.| 24}}.</ref>.
 
Alexis Carrel concentre désormais ses études sur le cancer, essentiellement les effets de l'environnement sur l'organisme. L'[[université de Georgetown]] lui octroie, à la suite de ces études, le prix Nordhoff Jung en 1931<ref group=anm name=p7 />.
 
Il demeure toujours le meilleur chercheur de la [[culture tissulaire]]. Le 22 juillet 1924, Carrel est invité au 92ème92{{e}} congrès annuel de la [[British Medical Association]], tenu à [[Bradford]]. Ce jour-là, il a l'honneur d'inaugurer ce congrès, avec sa présentation sur ce sujet<ref name="nature1924">[[Nature (revue)]], ''The British Medical Association at Bradford'', p. 178, le 2 août 1924 {{en}} [https://www.nature.com/articles/114178a0.pdf]</ref>{{,}}<ref>Duncan Wilson, ''The Early History of Tissue Culture in Britain'', 2005 {{en}} [https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1397880/]</ref>. En 1926, il devient le premier chercheur qui ait réussi à isoler et à propager un virus en culture, connu comme [[virus du sarcome de Rous]]<ref>[[Patrick Berche]], ''Une histoire de microbes'', p. 118, 2007 {{lire en ligne|lien=https://books.google.fr/books?id=_yMQBAAAQBAJ&pg=PA118}} (consluté le 11 avril 2024)</ref>.
 
Dorénavant, les scientifiques comprennent que la culture tissulaire est une technique très importante. Dans les années 1930, les chercheurs en profitent pour les études des [[virus]] desquels la nature est encore méconnue, étant donné que ces derniers ne se multiplient que dans les [[cellule (biologie)|cellule]]s vivantes. La technique de Carrel et la [[virologie]] vont désormais de pair : les virologistes s'y emploient, car, pour se multiplier, la plupart des virus exigent une culture plus élaborée que celle de Carrel<ref name="sr1942">Albert H. Ebeling, ''Dr. Carrel's Immoral Chicken Heart : Present, Authentic Facts about This Oft-Falsified Scientific Celebrity'', dans la revue ''Scientific Research'', tome 166-1, janvier 1942, p. 22 {{en}} [https://www.jstor.org/stable/26011089] (avec photographie du tissu du muscle cardiaque d'un poulet auprès de Rockefeller)</ref>{{,}}<ref name="wit">J. A. Witkowski, ''Alexis Carrel and The Mysticism of Tissue Culture'', dans la revue ''Medical History'', tome 23, p. 279 - 276 {{en}} [https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1082475/pdf/medhist00098-0025.pdf] (photographie prise en 1938 dans le laboratoire de Carrel de Rochkefeller à New York) entre les pages 280 et 281</ref>.
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==== Collaboration avec Lindbergh ====
[[fichier:NPG-NPG 87 TC2Linbergh Carrel-000001.jpg|thumb|upright=0.8|Tableau de Samuel Johnson Woolf, ''Charles Lindbergh et Alexis Carrel'', qui fut utilisé comme couverture du ''Time'' sorti le 13 juin 1938, et est actuellement préservé à la [[National Portrait Gallery (États-Unis)]]<ref>National Portrait Gallery, ''Charles Lindbergh and Alexis Carrel'' {{en}} [https://npg.si.edu/object/npg_NPG.87.TC2]</ref>. Carrel avait soutenu l'invention de cette pompe de Lindbergh.]]
Il collabore avec l'aviateur [[Charles Lindbergh]], présenté en novembre 1930 à Carrel<ref group=anm name=p7 />. Les études du docteur intéressent Lindbergh. En 1938 ils sortent ensemble un livre intitulé ''The Culture of Organs'' (Lala Cultureculture des organes) sur l'utilisation de la pompe à [[perfusion (physiologie)|perfusion]], qui était un échec<ref group=anm name=p7 />{{,}}<ref group=dh name=p426>{{p.| 426}}.</ref>. Au contraire, la [[pompe]] en verre, développée en 1935, connaît un bon succès, grâce à l'[[exposition universelle de New York 1939-1940]]. Il s'agit du fruit de l'inspiration et de l'étude de Lindbergh, à la suite de sa profonde sympathie pour sa belle-sœur, qui subissait une grave maladie de cœur. L'appareil est acheté par de nombreux laboratoires dans le monde entier<ref group=uft name=p50>{{p.| 50}}.</ref>. Avant son succès, déjà, la couverture du ''[[Time (magazine)|Time Magazine]]'', parue en juin 1938, se consacrait à ces deux personnages<ref>[[Time (magazine)]], le 13 juin 1938 {{lire en ligne|lien=http://content.time.com/time/covers/0,16641,19380613,00.html|texte=couverture}} {{en}}{{lire en ligne|lien=http://content.time.com/time/subscriber/article/0,33009,849014-1,00.html|texte=article ''Men in Black''}}.</ref>.
 
=== ''L'Homme, cet inconnu'' (1935) et eugénisme ===
En [[1935]], il publia publi''e L'Homme, cet inconnu'', simultanémentqui effectuéerésume sa pensée eugéniste, simultanément à Paris et à New York, en septembre<ref name="p8" group="anm">{{p.|8}}.</ref>.
 
Cette idée eugénisteL'[[eugénisme]] est unedans desles sources1930 duune idéologie [[nazismeEugénisme aux États-Unis|très implantée aux Etats-Unis]]. - où se déroule une bonne partie de la carrière d'Alexis Carrel -<ref>Carrel discutait les sujets dans ce livre avec ses amis du ''Century Club'', dont {{lien|trad= Frederic René Coudert Jr. |fr=Frederic René Coudert junior|texte= Frederic René Coudert}}<ref name="coudert" />{{,}}<ref group="ac">p. vi - vii</ref>, avocat international<ref name="p8" group="anm" />, Cornelius Clifford, prêtre et chercheur de philosophie médiévale<ref name="p8" group="anm" />, [[Boris Bakhmeteff]], ambassadeur du [[gouvernementGouvernement provisoire (Russie)|gouvernement provisoire]] de la Russie aux États-Unis<ref, name="p8"''Fonds group="anm"Alexis Carrel Inventaire, établi par Catherine Rancon en août 2012'' {{lire en ligne|lien=http:/>/bibliotheque.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2013/06/Carrel_Inventaire-version-définitive.pdf}} p.7-8. Ce qui fit la dédicace de son livre à ces trois amis<ref group="anm">dédicace: au début</ref>{{,}}<ref group="note">« Il a été écrit, non dans la paix de la campagne, mais dans la confusion, le bruit et la fatigue de New York. Son auteur a été entraîné à cet effort par ses amis, philosophes, savants, juristes, économistes, hommes de grandes affaires, avec lesquels il cause depuis des années des graves problèmes de notre temps » (Carrel, 1935, préface p. vi).</ref>. Le père Clifford et Bakhmeteff étaient enseignants de l'[[université Columbia]] tandis que ce cercle étroit était, à New York, surnommé ''les philosophes''<ref, name="el">Étienne Lepicard, ''La biomédecine à la croisée de la littérature et de l'histoire'', résumé de l'[[École pratique des hautes études]], 2008 [https://journals.openedition.org/ashp/495]</ref>. Dans les années 1930 outre-Atlantique, le sujet n'était pas encore un tabou<ref, name="louvain">Docteur Jean-Claude Debongnie, ''Alexis Carrel : une étoile aux talents multiples, nobelisée, une fin en trou noir éthique'', revue ''Louvain médical'', juillet 2019 [https://www.louvainmedical.be/fr/article/alexis-carrel-une-etoile-aux-talents-multiples-nobelisee-une-fin-en-trou-noir-ethique]</ref>. Le public américain accueillit ainsi ce livre avec enthousiasme. En 1936, le ''Man, the Unknown'' fut le livre le plus vendu aux États-Unis, dans la catégorie de non-fiction<ref>New York Times, ''The New York Times Almanac 2002'', p. 919 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=SHKPAgAAQBAJ&pg=PA919]</ref>, elle est répandue aussi en France, et en Allemagne et prend des formes différentes selon les lieux et les auteurs<ref name=Pfeff>{{Article|prénom1=Roland|nom1=Pfefferkorn|titre=Fantasmes eugénistes d’hier et d’aujourd’hui|périodique=Chimères. Revue des schizoanalyses|volume=28|numéro=1|pages=111–133|date=1996|doi=10.3406/chime.1996.2086|lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/chime_0986-6035_1996_num_28_1_2086|consulté le=2024-07-20}}.</ref>. Selon le sociologue [[Roland Pfefferkorn|Roland Pfefferkom]], « Carrel met l'eugénisme au service de l'[[élitisme]], de l'[[aristocratie]], du [[racisme]] et du [[fascisme]] »<ref name=Pfeff/>. Son eugénisme ressemble à celui des scientifiques allemands du [[Troisième Reich|IIIe Reich]], plus qu'à celui de certains anthropologues français de la IIIe République<ref name=Pfeff/>.
Le motif pour lequel Carrel sortit ce livre était son idée d’un déclin de la civilisation. {{Citation|Avec sa dégénérescence, la beauté de notre civilisation et même la grandeur de l'univers s'évanouiraient. C'est pour ces raisons que ce livre a été écrit.}}<ref name="pvi" group="ac">préface, {{p.|vi}}</ref>. Ainsi, Carrel constatait une maladie de la société contemporaine : {{Citation|La possession de la richesse est tout, et justifie tout. Un homme riche, quoi qu'il fasse, qu'il jette sa femme vieillie au rebut, qu'il abandonne sa mère sans secours, qu'il vole ceux qui lui ont confié leur argent, garde toujours la considération de ses amis.}}<ref name="p181" group="ac">{{p.|181}}</ref> Au contraire de sa confiance en la science<ref group="note">Étant dans la société contemporaine sans moral, Carrel ne pouvait faire confiance ni aux économistes ni aux pasteurs ni aux politiciens (Carrel, 1935, p. 180 - 181)</ref>, il doutait autant du fonctionnement de la société moderne que de la mentalité des citoyens<ref group="note">« Aujourd'hui, quelques doutes entrent dans les têtes les plus intelligents du troupeau. Les causes de la crise sont-elles uniquement économiques et financières ? Ne doit-on pas incriminer aussi la corruption et la stupidité des politiciens et financiers, l'ignorance et les illusions des économistes ? La vie moderne n'a-t-elle pas diminué l'intelligence et la moralité de toute la nation ? Pourquoi devons-nous payer chaque année plusieurs billions de dollars pour combattre les criminels ? Pourquoi, en dépit de ces sommes gigantesques, les gangsters continuent-ils à attaquer victorieusement les banques, à tuer les agents de police, à enlever, rançonner, et assassiner les enfants ? ... Il y a lieu d'espérer que les spectacles de notre civilisation, à ce début de son déclin, nous obligera à nous demander si la cause de mal ne se trouve pas en nous-mêmes aussi bien que dans nos institutions » (Carrel, 1935, p. 334).</ref>. Selon Carel, un niveau de vie élevé suscite paradoxalement chez l'homme faiblesse d'esprit et criminalité<ref name="page_xii" group="ad" />. Dans la société contemporaine, « [les criminels] appartiennent à une classe supérieure »<ref name="p164" group="ac">{{p.|164}}</ref>{{,}}<ref name="pxii" group="ac">{{p.|xii}}</ref>.
 
Carrel est hanté par l'idée d'un déclin occidental, en particulier d'un déclin des élites occidentales que les « [[Race supérieure|races inférieures]] », et les « [[Classe laborieuse|classes laborieuses]] », très fécondes, seraient sur le point de submerger<ref name=Pfeff/>. Il préconise deux voies pour maintenir la domination des élites : la première consiste à stimuler la fécondité des « meilleures souches », la deuxième à limiter la fécondité des « mauvaises souches »<ref name=Pfeff/>. Ainsi l'idéologie de Carrel est clairement au service d'une aristocratie raciale et sociale, et contraire à l'idéal démocratique<ref name=Pfeff/>{{,}}<ref name=PTort/>. Alexis Carrel souhaite que les personnes affectées de « [[Tare (défaut)|tares]] » physiques ou psychologiques soient laissées sans soins médicaux, et qu'elles ne puissent pas se reproduire<ref name=Pfeff/>. Il écrit : « Sauver les faibles et les tarés, leur donner la possibilité de se reproduire, c'est produire la dégénérescence de la race. La race ne peut être améliorée que par le plus grand développement des forts »<ref name=Pfeff/>. Il propose de gazer dans des « établissement [[Euthanasie|euthanasiques]] » les voleurs et les criminels<ref name=Pfeff/>{{,}}<ref name=PTort/>. Il appelle aussi à mettre à mort un homme politique qui aurait « gravement trompé la confiance du public »<ref name=Pfeff/>.
Dans ce livre, jusqu'au chapitre VII (soit 85% des pages), il s'agit des analyses scientifiques des phénomènes. Carrel diagnostique les maladies sociales, cet cherche, à la fin de cet ouvrage, leur traitement. Contre les dérives du matérialisme, il faut selon lui une restauration de l'homme, pour son unité et sa personnalité, selon les règles de sa nature, surtout en lui donnant la santé<ref name="p355" group="ac">{{p.|355}}</ref>.Devant une société industrielle, l'homme est si faible qu'il faudra « s'associer avec d'autres individus ayant le même idéal »<ref name="p356" group="ac">{{p.|356}}</ref>. Ses références étaient quelques groupements médiévaux, tels les [[ordre monastique|ordres monastiques]], [[ordre de chevalerie|ceux de chevalier]] et les [[corporation]]s d'artisans, qui avaient contribué à développer la civilisation avec une stricte discipline physiologique et mentale<ref name="p357" group="ac">{{p.|357}}</ref>. Donc, Carrel imaginait un groupe de savants, qui pourraient sauver la société malade, et qui « devront vivre comme les moines des grands ordres contemplatifs ». Il s'agirait d’hommes capables d'approfondir leur connaissance des sciences, telles l'[[anatomie]], la [[physiologie]], la [[chimie]], la [[psychologie]], la [[médecine]], la [[pédagogie]], la [[religion]], l'économie [[économie politique|politique]] et [[économie sociale|sociale]]<ref name="p346" group="ac">{{p.|346}}</ref>.
 
Le livre reçoit un accueil très favorable dans les journaux de droite et d'extrême droite. ''[[Gringoire]]'' par exemple le présente comme « un livre magnifique qui témoigne de la décadence du régime démocratique et parlementaire »<ref name=Pfeff/>. ''[[Le Petit Parisien]]'' et [[Léon Daudet]] dans [[Candide (1924-1944)|''Candide'']] se réjouissent de voir réfuté le principe « absurde » d'égalité prôné par les démocrates<ref name=Pfeff/>.
Or, ces savants n'existaient pas encore. Carrel et ses amis pensaient qu'« il est nécessaire de faire un choix parmi la foule des hommes civilisés », en estimant que « la sélection naturelle n'a pas joué son rôle depuis longtemps » et que « beaucoup d'individus inférieurs ont été conservés grâce aux efforts de l'hygiène et de la médecine »<ref name="p359" group="ac">{{p.|359}}</ref>. Cette considération les conduisit à l'[[eugénisme]] volontaire<ref name="p363" group="ac">{{p.|363}}</ref>, qui était, à cette époque-là, en train d'évoluer. Selon lui, « l'eugénisme volontaire n'est pas irréalisable »<ref name="p364" group="ac">{{p.|364}}</ref>. Il l'attendait, car « la complexité de notre civilisation est immense ». Seuls ces individus seraient capables de résoudre ce problème<ref name="p367" group="ac">{{p.|367}}</ref>.
 
[[Roland Pfefferkorn|Roland Pfefferkom]] souligne la correspondance entre les idées d'Alexis Carrel et celles de l'extrême droite, particulièrement l'extrême droite [[Charles Maurras|maurrassienne]]<ref name=Pfeff/>. Il rappelle que le [[régime de Vichy]], auquel Alexis Carrel doit sa nomination, en 1941, à la tête d'une [[Fondation française pour l'étude des problèmes humains|fondation eugéniste]], est responsable de l'[[extermination douce]] de milliers de malades mentaux morts de faim dans les asiles psychiatriques pendant la guerre, parfois appelée « l'hécatombe des fous », et que Vichy a collaboré également à la déportation dans des [[Centres d'extermination nazis|camps d'extermination nazis]] de dizaines de milliers de juifs et de Roms<ref name=Pfeff/>. Alexis Carrel est « un des inspirateurs de ce régime qui a accompagné l'[[hitlérisme]] dans l'horreur »<ref name=Pfeff/>.
Cette idée eugéniste est une des sources du [[nazisme]]. Carrel discutait les sujets dans ce livre avec ses amis du ''Century Club'', dont {{lien|trad= Frederic René Coudert Jr. |fr=Frederic René Coudert junior|texte= Frederic René Coudert}}<ref name="coudert" />{{,}}<ref group="ac">p. vi - vii</ref>, avocat international<ref name="p8" group="anm" />, Cornelius Clifford, prêtre et chercheur de philosophie médiévale<ref name="p8" group="anm" />, [[Boris Bakhmeteff]], ambassadeur du [[gouvernement provisoire (Russie)|gouvernement provisoire]] de la Russie aux États-Unis<ref name="p8" group="anm" />. Ce qui fit la dédicace de son livre à ces trois amis<ref group="anm">dédicace au début</ref>{{,}}<ref group="note">« Il a été écrit, non dans la paix de la campagne, mais dans la confusion, le bruit et la fatigue de New York. Son auteur a été entraîné à cet effort par ses amis, philosophes, savants, juristes, économistes, hommes de grandes affaires, avec lesquels il cause depuis des années des graves problèmes de notre temps » (Carrel, 1935, préface p. vi).</ref>. Le père Clifford et Bakhmeteff étaient enseignants de l'[[université Columbia]] tandis que ce cercle étroit était, à New York, surnommé ''les philosophes''<ref name="el">Étienne Lepicard, ''La biomédecine à la croisée de la littérature et de l'histoire'', résumé de l'[[École pratique des hautes études]], 2008 [https://journals.openedition.org/ashp/495]</ref>. Dans les années 1930 outre-Atlantique, le sujet n'était pas encore un tabou<ref name="louvain">Docteur Jean-Claude Debongnie, ''Alexis Carrel : une étoile aux talents multiples, nobelisée, une fin en trou noir éthique'', revue ''Louvain médical'', juillet 2019 [https://www.louvainmedical.be/fr/article/alexis-carrel-une-etoile-aux-talents-multiples-nobelisee-une-fin-en-trou-noir-ethique]</ref>. Le public américain accueillit ainsi ce livre avec enthousiasme. En 1936, le ''Man, the Unknown'' fut le livre le plus vendu aux États-Unis, dans la catégorie de non-fiction<ref>New York Times, ''The New York Times Almanac 2002'', p. 919 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=SHKPAgAAQBAJ&pg=PA919]</ref>.
 
En 1936, l'[[Académie française]] octroya son [[prix Bordin]] à l’œuvre<ref>[[Académie française]] [https://www.academie-francaise.fr/alexis-carrel]</ref>. En 1950 en France, il y eut quatre cent trois mille exemplaires vendus<ref name="cottraux">[[Jean Cottraux]], ''La Répétition des scénarios de vie'', p. 53, 2001 [https://books.google.fr/books?id=I8dpoeOt2j8C&pg=PA53]</ref>. Le livre fait l'objet de multiples traductions et rééditions. Le succès mondial dura jusqu'aux années 1970<ref name="p8" group="anm" />.
L'objectif de Carrel était, avant tout, la reconstruction de l'homme, qui était perdu dans « la technologie aveugle »<ref name="p392" group="ac">{{p.|392}}</ref>. Il s'agissait d'une recommandation des sciences correctes, afin de retrouver la nature propre de l'homme, qui existe dans l'univers de notre corps<ref group="ac">p. 368 - 393</ref>.
 
Carrel avait achevé son livre dans le cadre d'une vaste science de l'homme<ref name="p8" group="anm" />{{,}}<ref group="note">Ainsi, il analysait, avec des chiffres précis, une conséquence grave aux États-Unis : évolution des malades âgés, à la suite du prolongement de la durée moyenne de la vie, quarante-neuf ans en 1900 et soixante ans en 1935, qui reste jusqu'aujourd'hui une nouvelle souffrance (Carrel, 1935, p. 134 - 135) : « La médecine est loin d'avoir diminué, autant qu'on le croit généralement, la somme des souffrances humaines. » {{lire en ligne|lien=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k242675/f160}}</ref>{{,}}<ref group="note">Il est également à remarquer la diversité des personnages cités dans ce livre, mais principalement des scientifiques. Pour les seules premières 25 pages : [[Jacques Loeb]], [[Hans Driesch]], [[Galilée (savant)|Galilée]], [[Henri Bergson]], [[Claude Bernard]], [[Louis XIV]], [[Frédéric II (roi de Prusse)|Frédéric le Grand]], [[Francis Bacon (philosophe)|Francis Bacon]], [[Louis Pasteur]], [[Albert Einstein]], [[Arthur Eddington]], [[James Jeans]], [[Harlow Shapley]] et [[Robert Andrews Millikan]].</ref>. En 1936, l'[[Académie française]] octroya son [[prix Bordin]] à l’œuvre<ref>[[Académie française]] [https://www.academie-francaise.fr/alexis-carrel]</ref>. En 1950 en France, surtout appréciée par de jeunes médecins, il y eut quatre cent trois mille exemplaires vendus<ref name="cottraux">[[Jean Cottraux]], ''La Répétition des scénarios de vie'', p. 53, 2001 [https://books.google.fr/books?id=I8dpoeOt2j8C&pg=PA53]</ref>. Le livre fait l'objet de multiples traductions et rééditions ; la publication fut Le succès mondial dura jusqu'aux années 1970<ref name="p8" group="anm" />.
 
=== Science et religion ===
En 1936, il est nommé professeur invité de l'[[université de Californie à Berkeley]], pour un semestre de cours scientifique<ref>''Medical News'', rubrique Californie, le 25 janvier 1936 {{en}} [https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/1155400]</ref>.
 
Il s'intéresse aux instituts consacrés aux études sur l'homme, notamment à l'[[X-Crise]] qui est dirigé par le polytechnicien [[Jean Coutrot]]<ref name="p8" group="anm" />{{,}}<ref name="p1022" group="ad">{{p.|1022}}.</ref>. S'il

Il participe en 1936, avec [[Pierre Teilhard de Chardin]], à la fondation de son Centre d'études des problèmes humains à l'[[abbatiale Notre-Dame-et-Saint-Edme de Pontigny]], ; il garde ses distances d’avec ce centre<ref group="dh">p. 399 - 401</ref>{{,}}<ref name="dartmouth1937_archive.dartmouthalumnimagazine.com" />[[Dartmouth College]], ''Dartmouth Alumni Magazine'', novembre 1937, p. 8 - 11 {{en}}{{lire en ligne
| lien=https://archive.dartmouthalumnimagazine.com/article/1937/11/01/the-making-of-civilized-men }}.</ref>.
 
Le 28 octobre 1936, Alexis Carrel est nommé membre par la commission de la nouvelle [[Académie pontificale des sciences]], selon le [[motu proprio]] ''In multis solaciis'' du pape [[Pie XI]]<ref>[[Académie pontificale des sciences]], ''Prof. Alexis Carrel'' {{en}} [https://www.pas.va/en/academicians/deceased/carrel.html]</ref>. Avec son épouse, il se rend à Rome, pour assister à la séance inaugurale de l'association, tenue le {{1er}} juin 1937<ref group="anm">p. 56 - 59</ref>. D'après l'intention du Saint-Père, un quorum de soixante-dix académiciens choisis, dits « Sénats scientifiques », se composant de spécialistes internationaux de toutes disciplines, dont onze lauréats du prix Nobel fut réuni. Alors que le savant [[Pierre Teilhard de Chardin]] avait été exclu par Pie XI en raison de son domaine qui n'était autre que la science catholique, l'[[agnosticisme]] de Carrel ne l’empêche pas d’être sélectionné d'après la doctrine de l'académie<ref>Marcel Launay, ''Pie XI'', p. 88 - 90, 2018 [https://books.google.fr/books?id=8_aBDwAAQBAJ&pg=PT88]</ref>.Lors de ce séjour à Rome, il effectue une visite officielle aux malades, en tant que représentant<ref group="anm" name="p59">{{p.| 59}}.</ref>.
 
=== ''La Construction des hommes civilisés'' et eugénisme ===
[[fichier:Webster Hall at Dartmouth College.jpg|thumb|upright=0.8|Son discours sur la civilisation fut tenu à la Halle Webster du Dartmouth College.]]
Souvent invité à prononcer des discours depuis 1935, A. Carrel en prononce un le 11 octobre 1937, ''The Making of Civilized Men'' (Former les hommes civilisés) alors qu'il effectue une visite au [[Dartmouth College]]. A. Carrel y imagine un futur « Institut de psycho-biologie » [[Eugénisme|eugéniste]] : « Un institut de psychologie », écrit-il, « organisé de façon à soumettre des groupes d’êtres humains et une nombreuse population de chiens très intelligents à des observations et à des expériences de longue durée nous apporterait au bout de peu d’années la connaissance nécessaire à l’amélioration de beaucoup d’individus ». « Cette institution aurait, comme tâche principale de définir les conditions sociales et mentales qui sont nécessaires à la vie de chacun, et à la propagation des souches les meilleures. » « La société moderne », conclut Carrel, « a besoin de [[Surhomme|surhommes]] »<ref name=PTort/> .
Souvent invité à prononcer des discours depuis 1935, le 11 octobre 1937, il effectue une visité au [[Dartmouth College]], à l'occasion du {{150e}} anniversaire de la fondation du [[Phi Beta Kappa]] auprès de cette université. Le discours est intitulé ''The Making of Civilized Men'' (Former les hommes civilisés) soulignant que ni les hommes ni ses institutions n'étaient capables de suivre une immense évolution de vie, obtenue pendant ces 150 ans, fruit des sciences, de la prospérité et de la [[démocratie]]. Il conclut : « L'humanité doit maintenant savoir que l'avenir dépend de lui-même. » Ce jour-là, il dévoile aux auditeurs qu'il se consacrerait dorénavant aux études sur le sujet du développement des dynamismes, trouvés dans l'individu humain, tant physique que spirituel<ref name=dartmouth>[[Dartmouth College]], ''Dartmouth Alumni Magazine'', novembre 1937, p. 8 - 11 {{en}}{{lire en ligne|lien=https://archive.dartmouthalumnimagazine.com/article/1937/11/01/the-making-of-civilized-men}}</ref>. Le lendemain, le journal ''[[The New York Times]]'' interpréte ce discours : pour rétablir la civilisation, il faut que les leaders du monde soient formés par une nouvelle science synthétique<ref>New York Times, ''Calls on Science to Save Humanity ; Carrel Says People's Leaders Must Be Trained A New Ere Civilization Crumbles'', le 12 octobre 1937 {{en}} [https://www.nytimes.com/1937/10/12/archives/calls-on-science-to-save-humanity-carrel-says-peoples-leaders-must.html]</ref>{{,}}<ref group=note>Le mot du journal comme titre ne se trouve pas dans le texte de Carrel. Mais, le discours était destiné aux élites américaines et à de futures élites. D'ailleurs, à la fin, Carrel dit : « Modern society needs supersouls (La société contemporaine a besoin de grandes âmes). »</ref>.
 
=== Adhésion au Parti populaire français de Jacques Doriot, 1937 ===
Alexis Carrel adhère en 1937 au [[Parti populaire français]] fondé en 1936 par [[Jacques Doriot]] ; il s'agit du principal parti [[Fascisme|fasciste]] en France<ref name=Terras>{{Ouvrage|auteur=Collectif|titre=Alexis Carrel cet inconnu, quand la science prétend justifier le racisme|éditeur=Golias|année=1996|isbn=2-911453-09-3}}, [https://excerpts.numilog.com/books/9782911453090.pdf lire en ligne], p.84</ref>. Ce parti considère Alexis Carrel comme sa caution scientifique et intellectuelle et mobilise son nom dans des discours de propagande politique<ref name=Terras/>{{,}}<ref name=PTort/>.
 
=== Départ de New York ===
Sachant le départ d'Alexis Carrel prochain, le [[Rotary International|Rotary Club]] de New York lui octroie, en avril 1939, sa ''Service Medal'' (médaille de service), « en reconnaissance d'une vie consacrée à l'amélioration de la souffrance humaine »<ref group=anm name=p60 />. Cette médaille, par laquelle [[Lillian Wald]] avait été récompensée en 1923 pour la première fois, est uniquement réservée à ceux qui contribuent à toute l'humanité. Carrel en est le huitième lauréat, seize ans après sa création<ref>Fondation américaine pour les aveugles (AFB), ''Letter concerning a Service Medal Presented to Helen Keller by the Rotary Club'', 1956 {{en}} [https://www.afb.org/HelenKellerArchive?a=d&d=A-HK01-05-B099-F14-001&e=-------en-20--1--txt--------3-7-6-5-3------No-----Deafness+%252D+deaf+%252D+deafblind-Best%2C+Harry--0-1]</ref>.
 
En 1938, l'Institut Rockefeller avait édicté une règle stricte pour la retraite à l'âge de soixante-cinq ans, laquelle était plus souple auparavant. Carrel fut l'un des cinq chercheurs que touchait ce changement de règle<ref>New York Times, ''Institute retiring 5 Noted Scientists ; Carrel in Group Affected by Rockfeller Age Ruling'', le 14 avril 1939 {{en}} [https://www.nytimes.com/1939/04/14/archives/institute-retiring-5-noted-scientists-carrel-in-group-affected-by.html]</ref>. La décision avait été prise sous le nouveau directeur depuis 1935, [[Herbert Gasser]]. La date de retraite fut fixée au {{1er}} juillet<ref>New York Times, ''Dr. Alexis Carrel to Retire Next Year ; His Research at Rockefeller Institute to End Then, He Says'', le 9 juin 1938 {{en}} [https://www.nytimes.com/1938/06/09/archives/dr-alexis-carrelto-retire-next-year-his-research-at-rockefeller.html]</ref>. Sans doute la publication de ''L'Homme, cet inconnu'' a-t-elle affecté cette décision, car, le laboratoire de Carrel est démobilisé, sans nomination de successeur<ref group=uft name=p51>{{p.| 51}}.</ref>.
 
La popularité de Carrel, apprécié par le peuple américain, demeure au plus haut. En qualifiant Carrel ''French, Roman Catholic Dr.'' (médecin français et catholique romain), le magazine ''[[Time (magazine)|Time]]'' conclut, dans un tome de 1938, que Carrel et Lindberg sont ceux qui travaillent ensemble tant pour prolonger la vie que pour terminer les maladies des hommes<ref>Time Magazine, ''Men in Black'', p. 5, le 13 juin 1938 {{en}} [http://content.time.com/time/subscriber/article/0,33009,849014-5,00.html]</ref>.
 
=== Retour en France en 1939 ===
Après avoir définitivement quitté l'Institut Rockefeller, il rentre en France en juillet 1939<ref group=anm name=p8 />{{,}}<ref name=sade />. Le couple s'installe dans sa propriété en Bretagne, à Saint-Gildas<ref group=th name=p26>{{p.| 26}}.</ref>.
 
Lorsque éclate la [[Deuxième guerre mondiale]] en automne, il décide de rester en France<ref group=anm name=p8 />{{,}}<ref name="dr">Alain Drouard ([[Centre national de la recherche scientifique]]), ''Cahier pour l'histoire du CNRS : 1939 - 1989'', tome IX, p. 155, [https://books.google.fr/books?id=TFLqDwAAQBAJ&pg=PT155]</ref>, et arriva à Paris le 19 septembre<ref group=th name=p27>{{p.| 27}}.</ref>. Par le sénateur [[Pierre Even (homme politique)|Pierre Even]], avec qui Carrel avait fait créer le [[ministère des Affaires sociales et de la Santé (France)|ministère de la Santé publique]], il prend contact avec le ministre de l'armement [[Raoul Dautry]]<ref name=dr />{{,}}<ref group=anm name=p9>{{p.| 9}}.</ref>. Carrel est nommé haut conseiller technique, en vue d'étudier les difficultés de la transfusion sanguine. Le projet d'un laboratoire de recherche est lancé, dont l'inauguration est prévue le 10 mai 1940 à [[Garches]]<ref name=dr />. Il travaille également, avec [[Antonin Gosset]], [[Henri Rouvillois]] et [[Louis Pasteur Vallery-Radot]], à la création d'un centre de recherche de guerre auprès de l'[[Institut Pasteur]]<ref group=anm name=p8 />.
 
Pour lui, il s'agit, malgré la [[drôle de guerre]], d'un sujet sérieux. Le 7 décembre 1939, le journal [[The New York Times]] présente le discours radiophonique de Carrel, effectué la veille à Paris : {{citation|Chaque citoyen français doit, d'abord, respecter son propre travail, et participer à faire un effort pour obtenir la victoire}}. Il redoute déjà une situation critique<ref>New York Times, ''Dr. Carrel Warns French Of Plight if They Lose'', le 7 décembre 1939, p. 11 {{en}} [https://www.nytimes.com/1939/12/07/archives/dr-carrel-warns-french-of-plight-if-they-lose.html]</ref>.
 
=== Second séjour aux États-Unis en 1940 ===
Il est vraisemblablesemble que Carrel ait gardé un contact étroit avec ses amis américains, qui craignent pour sa vie. Il repart aux États-Unis au printemps 1940, sans attendre l'inauguration du laboratoire, possiblement chargé par le gouvernement de [[Paul Reynaud]] de chercher les soutiens des États-Unis<ref group=anm name=p9 />{{,}}<ref group=th>p. 27 ; voir note n° 100</ref>. Dans la lettre datée du 6 mai, il écrit : « Quel calme à la veille du chaos... »<ref name="drouard507">Alain Drouard, ''Une Inconnue des sciences sociales : La Fondation Alexis Carrel, 1941 - 1945'', p. 507, 1992 [https://books.google.fr/books?id=ZAt8XnFowOwC&pg=PA507]</ref>.
 
Après avoir travaillé en tant qu'infirmière en 1939, Anne Carrel, devenue dans les années 1930, une collaboratrice importante dans les études de CarrelsurCarrel sur la [[parapsychologie]]<ref name="p7" group="anm" />, restant sur l'île, subit l'arrivée de l'armée allemande le 5 août<ref group=th>p. 27 - 28</ref>.
 
Ce voyage méconnu de Carrel, qui dure un an environ, est son dernier séjour à l'étranger<ref group=anm name=p9 />.
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=== Missions américaines en France, 1940-1941 ===
Après être parti des États-Unis, Carrel arrive à [[Lisbonne]] puis traverse le [[Portugal]] et l'[[Espagne]] avec grandegrosse difficulté<ref group=uft name=p52 />. En janvier 1941, il rentre en France<ref name=dr />. D'une part, sa visite est officielle, plus précisément dans le cadre d'une enquête américaine pour rechercher les effets de la guerre sur les populations civiles françaises, notamment sur le sujet de l'amélioration de la nutrition des enfants français<ref name=dr />. Cette mission était donc provisoire, et, une fois la mission accomplie, il lui fallait retourner aux États-Unis<ref group=anm name=p9 />{{,}}<ref name=dr />. D'autre part, il est accompagné de [[:en:James Wood Johnson|James Wood Johnson]], qui est le président de l'[[:en:American Volunteer Ambulance Corps|American Volunteer Ambulance Corps]]<ref name=drouard507 />. À la suite de cette nouvelle guerre mondiale, l'organisation qui était déjà en fonction pendant la première guerre pour l'armée française<ref>International Encyclopedia of the First World War, ''Volunteer Ambulance Services (USA)'' {{en}} [https://encyclopedia.1914-1918-online.net/article/volunteer_ambulance_services_usa]</ref>, avait été rétablie en 1940 à New York, sous la direction de Johnson. Carrel participe à réaliser ce projet de l'hôpital militaire mobile, dans l'optique de sauver les victimes de la nouvelle guerre<ref>New York Times, ''Mobile Hospital to Aid War Victims ; American Volunteer Ambulance Corps Designs Unit That Can Be Set Up in 3 Hours ; Carrel Heads Assembly 26 Trucks, Trailers to Carry Equipement'', le 28 juillet 1940 {{en}} [https://www.nytimes.com/1940/07/28/archives/mobile-hospital-to-aid-war-victims-american-volunteer-ambulance.html]</ref>. IlIls sont envoyés par le président [[Franklin Roosevelt]]<ref name=dr />{{,}}<ref group=th name=p28>{{p.| 28}}.</ref>.
 
Carrel travaille toujours, dans le cadre de l'organisation américaine, en zone non occupée, sans visiter son épouse demeurée à Saint-Gildas<ref group=note name=eclair>Un article du journal Ouest-Eclair prononçait : « Nos lecteurs savent que le docteur Alexis Carrel effectue, en zone non occupée, une enquête sur les conséquences de la sous-alimentation chez les enfants. Il regagnera ensuite l'Amérique pour y chercher des rèmedes. Le grand savant français ne deviendra donc pas de sitôt à sa propriété de l'île de Saint-Gildas, en Bretagne. »</ref>.
 
Finalement, il arrive à [[Vichy]] afin de rencontrer l'[[admiral (États-Unis)|amiral]] [[William Leahy]], nouvel ambassadeur des États-Unis auprès du [[gouvernement de Vichy]]<ref name=dr />.
 
Le 16 mars 1941, Carrel est reçu à Vichy par [[Philippe Pétain]]<ref name="dr" />.
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=== Création de la Fondation française pour l'étude des problèmes humains, 1941 ===
{{article principal|Fondation française pour l'étude des problèmes humains|François Perroux}}
Après cet entretien, Carrel, séparé de son épouse, arriva à [[Guingamp]] et chez elle, le dimanche des Pâques 13 avril 1941<ref group=th name=p28 />, avant de retourner aux États-Unis. Le 23 avril, il déclara son départ au correspondant du journal régional ''Ouest-Eclair''<ref group="th" name="page_30">{{p.| 30}}.</ref>. Toutefois, André Missenard et Dom [[Alexis Presse]] y arrivèrent dans l'optique d'empêcher ce départ<ref name=dr />. À la suite de cette intervention des savants, il décida de rester encore en France<ref name=dr />.
Carrel obtient du gouvernement de Vichy la création, le 17 novembre, 1941, de la « Fondation française pour l’étude des problèmes humains », établie à Paris et dans divers lieux de la région parisienne, dont certains sont la propriété de la Fondation Rockefeller - Fondation qui finance l'eugénisme, y compris celui de l'[[Allemagne nazie]]<ref name=PTort>TORT Patrick, « 8. Un nazi français passé par l’Amérique : le docteur Alexis Carrel », dans : , ''Du totalitarisme en Amérique. Comment les États-Unis ont instruit le nazisme'', sous la direction de TORT Patrick. Toulouse, Érès, « Société », 2022, p. 89-115. URL : https://www.cairn.info/du-totalitarisme-en-amerique--9782749275369-page-89.htm</ref>. A la demande de Carrel un groupe composé de médecins et polytechniciens travaille afin de développer cette organisation d'inspiration eugéniste et [[Collaboration en France|collaborationniste]], la [[Fondation française pour l'étude des problèmes humains]] soutenue par une loi du 17 novembre 1941<ref group=ad>p. 1038 (texte officiel)</ref>{{,}}<ref group=anm name=p9 />. La fondation dont le siège est à Paris bénéficie d'une autonomie financière et d'une large liberté de programme<ref group=anm name=p9 />.
 
Carrel obtient du gouvernement de Vichy la création, le 17 novembre, 1941, de la « Fondation française pour l’étude des problèmes humains », établie à Paris et dans divers lieux de la région parisienne, dont certains sont la propriété de la Fondation Rockefeller - Fondation qui finance l'eugénisme, y compris celui de l'[[Allemagne nazie]]<ref name=PTort>TORT Patrick, « 8. Un nazi français passé par l’Amérique : le docteur Alexis Carrel », dans : , ''Du totalitarisme en Amérique. Comment les États-Unis ont instruit le nazisme'', sous la direction de TORT Patrick. Toulouse, Érès, « Société », 2022, p. 89-115. URL : https://www.cairn.info/du-totalitarisme-en-amerique--9782749275369-page-89.htm</ref>. A la demande de Carrel un groupe composé de médecins et polytechniciens travaille afin de développer cette organisation d'inspiration eugéniste et [[Collaboration en France|collaborationniste]], la [[Fondation française pour l'étude des problèmes humains]] soutenue par une loi du 17 novembre 1941<ref group=ad>p. 1038 (texte officiel)</ref>{{,}}<ref group=anm name=p9 />. La fondation dont le siège est à Paris bénéficie d'une autonomie financière et d'une large liberté de programme<ref group=anm name=p9 />.
Des ''Cahiers'' de la Fondation, publiés en 1943 par les Presses Universitaires de France, Alexis Carrel programme un travail sur ce qu'il appelle « le recensement des souches saines de France » et sur « l’immigration étrangère » qui selon menacerait « l’équilibre biologique, intellectuel et démographique de la population française »<ref name=PTort/>. Alexis Carrel affirme sa volonté « provoquer la naissance d’enfants héréditairement bien doués »<ref name=PTort/>. Les projets d'Alexis Carrel rappellent ceux d'[[Adolf Hitler]], selon l'historien des sciences [[Patrick Tort]], auteur d'une étude intitulée « Un [[Nazisme|nazi]] français passé par l’Amérique : le docteur Alexis Carrel »<ref name=PTort/>. Ainsi, Alexis Carrel écrit : « Beaucoup d’immigrants, on le sait, ont été admis en France. Les uns sont désirables, les autres ne le sont pas. La présence de groupes d’étrangers indésirables au point de vue biologique est un danger certain pour la population française. La Fondation se propose de préciser les modalités d’assimilation des immigrants afin qu’il devienne possible de les placer dans des conditions appropriées à leur génie ethnique. Elle procède actuellement au dénombrement et à la localisation de certaines catégories d’entre eux, surtout des Nord-Africains, des Arméniens et des Polonais. Elle étudie, en particulier, la population [[Arméniens|arménienne]] d’Issy-les-Moulineaux. Elle cherche à savoir ce que valent les produits du croisement de ces étrangers avec les Français. Il y a déjà en France 13% d’étrangers. Ces étrangers ont été admis sans aucun égard pour leur influence possible sur la population française »<ref name=PTort/>.
 
Des ''Cahiers'' de la Fondation, publiés en 1943 par les Presses Universitaires de France, Alexis Carrel programme un travail sur ce qu'il appelle « le recensement des souches saines de France » et sur « l’immigration étrangère » qui selon menacerait « l’équilibre biologique, intellectuel et démographique de la population française »<ref name=PTort/>. Alexis Carrel affirme sa volonté « provoquer la naissance d’enfants héréditairement bien doués »<ref name=PTort/>. Les projets d'Alexis Carrel rappellent ceux d'[[Adolf Hitler]], selon l'historien des sciences [[Patrick Tort]], auteur d'une étude intitulée « Un [[Nazisme|nazi]] français passé par l’Amérique : le docteur Alexis Carrel »<ref name=PTort/>. Ainsi, Alexis Carrel écrit : « Beaucoup d’immigrants, on le sait, ont été admis en France. Les uns sont désirables, les autres ne le sont pas. La présence de groupes d’étrangers indésirables au point de vue biologique est un danger certain pour la population française. La Fondation se propose de préciser les modalités d’assimilation des immigrants afin qu’il devienne possible de les placer dans des conditions appropriées à leur génie ethnique. Elle procède actuellement au dénombrement et à la localisation de certaines catégories d’entre eux, surtout des Nord-Africains, des Arméniens et des Polonais. Elle étudie, en particulier, la population [[Arméniens|arménienne]] d’Issy-les-Moulineaux. Elle cherche à savoir ce que valent les produits du croisement de ces étrangers avec les Français. Il y a déjà en France 13% d’étrangers. Ces étrangers ont été admis sans aucun égard pour leur influence possible sur la population française »<ref name=PTort/>.
 
La fondation accueille [[Pierre Naville]], [[Robert Gessain]], [[Jean Stoetzel]], [[Françoise Dolto]], [[Charles Bettelheim]] tandis qu'une banque privée est chargée de financer la fondation<ref group="anm" name="p9" />.
 
Quant à Alexis Carrel, pendant plusieurs mois en 1943, il n'est pas capable, pour cause de maladie, d'assurer sa fonction comme ''Régent''<ref group=ad name=p1029>{{p.| 1029}}.</ref>. Il subit un premier [[infarctus du myocarde]], survenu en été<ref group=uft name=p53>{{p.| 53}}.</ref>{{,}}<ref group=th name=p31>{{p.| 31}}, note n° 110</ref>. Malgré cela, il garde encore ce titre, qu’il préfére toujours à celui de ''Directeur''<ref group=ad name=p1027>{{p.| 1027}}.</ref>. La fonction de Régent était, à l'origine, définie comme administration de l'établissement, gestion des biens et animation d'un comité, selon les premiers ''Statuts''<ref group=ad name=p1040>{{p.| 1040}}.</ref> approuvés par la loi du 14 janvier 1942<ref group=ad name=p1039>{{p.| 1039}}.</ref>. Elle était devenue plus compliquée avec l’''Organisation intèrieure'' datée du {{Date-|23 février 1943}}<ref group=ad>p. 1041 - 1045</ref>. Selon l'articl e 10 « le Régent convoque le haut conseil technique de la Fondation, ou consulte individuellement l'un ou l'autre de ses membres, toutes les fois qu'il le juge nécessaire »<ref group=ad name=p1042>{{p.| 1042}}.</ref>.
 
=== Dérive fasciste et eugéniste ===
Alexis Carrel se convertit au [[catholicisme]] vers 1938, après avoir assisté à [[Lourdes]], en 1902, à ce qu’il lui semblait être un miracle.Il était adepte d'un [[eugénisme]] raciste<ref>{{Lien web |langue=fr-FR |titre=Histoires 14-18 : Alexis Carrel, le chirurgien controversé |url=https://france3-regions.francetvinfo.fr/hauts-de-france/picardie/oise/compiegne/histoires-14-18-alexis-carrel-chirurgien-controverse-959477.html |site=France 3 Hauts-de-France |consulté le=2022-12-06}}.</ref> et, dans les [[Années 1930|années trente]], membre du [[Parti populaire français|P.P.F.]], le parti fasciste puis [[Collaboration (pays occupé)|collaborationniste]] de [[Jacques Doriot]]<ref name="Unversaliswww.universalis.fr" />. Dans la préface allemande de son livre : ''L’Homme, cet inconnu'', il salue en 1936 les {{citation|mesures énergiques}} prises par le [[Troisième Reich]]. Il adhère à l’idéologie de Vichy dès juillet 1940 et se voit confier, en 1941, par le [[Philippe Pétain|maréchal Pétain]] la création et la direction de la [[Fondation française pour l'étude des problèmes humains]] à Paris, dans laquelle il diffuse ses idées sur l'eugénisme, la natalité, la [[biotypologie]], le développement des différences individuelles{{Note|texte=Cet organisme fut remplacé à la Libération par l'Institut national des études démographiques, ou I.N.E.D.}}. Carrel veut ainsi prolonger la science de l'homme par une « anthropotechnie », une « biocratie » qui aurait fait « pour l'homme ce que la technologie a fait pour les avions ». Suspendu de ses fonctions dès août 1944, sa fondation dissoute, il n'est pas inquiété (et meurt en novembre)<ref name="Unversaliswww.universalis.fr" />. Son implication dans le fascisme et son admiration du nazisme sont éludées pendant des années, il reçoit même des honneurs à titre posthume.
 
=== L'année 1944 ===
En admettant que la Fondation ait souffert, dès 1943, de ces rigidités, l'orientation initiale de Carrel y est conservée par [[André Gros]] et son équipe<ref group="ad" name="p1020">{{p.|1020}}.</ref> : Carrel voudrait, avec cet organe, donner naissance à la « science de l'homme » qu'il a esquissée dans ''L'Homme, cet inconnu'' ; mais il faut arbitrer entre les disciplines scientifiques prioritaires<ref group=ad>p. 1029 - 1030</ref>. Or au début de 1944, des mois avant la [[libération de la France|Libération]], Carrel voit péricliter sa fondation, avec la suppression de l'organisation en départements<ref group=ad name=p1029 />.
 
Les fonctions d'Alexis Carrel sont suspendues, le 21 août 1944, par [[Louis Pasteur Vallery-Radot|Louis-Pasteur Vallery-Radot]], secrétaire d'État à la santé du [[gouvernement provisoire de la République française|gouvernement de la Libération]], présidé par le [[Charles de Gaulle|général de Gaulle]]<ref>G. Arnulf, ''Documents inédits sur le comportement du Dr Alexis Carrel en France pendant la guerre 1939 - 1945'', Bibliothèque d'université de Paris, p. 265 et 266, 1985 [https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1985x019x003/HSMx1985x019x003x0263.pdf]</ref>. L'objectif est de transformer cet établissement en institution adaptée aux besoins du nouveau gouvernement et de la société française après la guerre<ref>New York Times, ''French Health Chief Dismisses Dr. Carrel'', le 29 août 1944 {{en}} [https://www.nytimes.com/1944/08/29/archives/french-health-chief-dismisses-dr-carrel.html]</ref>. Quelques chercheurs ([[Alfred Sauvy]], [[Jean Bourgeois-Pichat]], [[Robert Gessain]], [[Alain Girard]], [[Jean Stoetzel]]<ref>p. 1037, note n° 30</ref>) sont maintenus, pour former l'[[Institut national d'études démographiques]]<ref group=anm name=p9 />.
 
Les accusations de collaboration directe avec les Allemands se multiplient<ref group=anm name=p9 /> à cause des soutiens de Vichy qu'il avait acceptés en 1941<ref name=sade />{{,}}<ref>Tels ceux évoqués par [[Jean Calvet (ecclésiastique)|Jean Calvet]], recteur de l'[[Institut catholique de Paris]], écrit dans Journal de [[Jean Calvet (ecclésiastique)]], le 5 novembre 1944 {{lire en ligne|lien=https://books.google.fr/books?id=r4R7DwAAQBAJ&pg=PT184}}.</ref>, Carrel déclare officiellement, le 31 août 1944, qu'il n'a {{citation|jamais soutenu l'armée allemande<ref>{{article|périodique=New York Times|titre=Dr. Carrel Denies He Aided Germans|date= {{1er}} septembre 1994 |langue=en|url=https://www.nytimes.com/1944/09/01/archives/dr-carrel-denies-he-aided-germans.html}}.</ref>.}}. De sa collaboration directe avec les Allemands, on n'a jusqu'ici retrouvé aucun indice concluant<ref name="sade" />. À vrai dire, un jour Carrel est bien allé à l'ambassade d'Allemagne, explique [[A. Scott Berg]] (2013), non qu'il ait approuvé la Collaboration, mais parce qu'à la suite du ''[[Hungerplan]]'', les enfants français manquaient sérieusement de nourriture sous l'Occupation. Or, sa visite coïncidait avec un banquet allemand : ainsi, non seulement Carrel ne put solliciter l'autorité chargée de l'exécution du ''Hungerplan'', mais une rumeur l’accabla de collaboration, aux dires d'Anne Carrel<ref>[[A. Scott Berg]], ''Lindbergh'', p. 413, 2013 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=9bAAAAAAQBAJ&pg=PT413]</ref>.
 
Sa santé se détériore rapidement tandis qu'aucun procès ne lui est encore intenté<ref group=anm name=p8009>p. 9 - 10</ref>.
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== Postérité ==
À l'annonce de la mort de Carrel, [[Charles Lindbergh]], considérant que les accusations contre lui s'expliquaient par une situation politique particulière et une myopie intellectuelle, entreprit de rétablir la réputation de son parrain spirituel, avec l'appui de sa veuve, Anne Carrel. Il y travailla sans relâche jusqu'à la fin de sa vie, au mépris des dépenses. Les documents récupérés furent finalement donnés à l'[[université de Georgetown]], dirigée par les Jésuites. L'objectif était, et demeure, tout à la fois de conserver les études sur ce chercheur, et de faire connaître ses travaux, aussi bien sur les sciences que la religion et l'humanité. En 1953, la collection devint fondation Alexis Carrel<ref name="asb">[[A. Scott Berg]], ''Lindbergh'', p. 472, 2013 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=9bAAAAAAQBAJ&pg=PT472]</ref>{{,}}<ref>{{ouvrage|auteur=Alain Drouard|titre=Une inconnue des sciences sociales: la Fondation Alexis Carrel, 1941-1945|éditeur=Ed. des Sciences de l'Homme |année=1992|passage= 481|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=ZAt8XnFowOwC&pg=PA481}}.</ref>.
 
En France, l'[[Académie nationale de médecine]] créa en 2002 le ''fonds Alexis Carrel'' au sein de sa bibliothèque. Cette création fait suite aux études d'Alain Drouard, membre du [[Centre national de la recherche scientifique]]<ref group=anm>p. 10 - 12</ref>.
 
=== Une référence pour l'extrême droite française ===
Au début des [[années 1990]] : le [[Front national (Résistance)|Front national]] réutilise les arguments eugénistes dans son idéologie anti-immigration. Le nom d'Alexis Carrel réapparait, dans les médias, et s'amorce alors une campagne de débaptisation de rues à son nom et du fronton de la faculté de Médecine de Lyon, tandis que sa technique de suture vasculaire est encore enseignée<ref>{{Lien web |langue=fr |prénom=La rédaction d'Allo |nom=Docteurs |titre=1912 : Alexis Carrel, le génie noir de la chirurgie |url=https://www.allodocteurs.fr/archives-1912-alexis-carrel-le-genie-noir-de-la-chirurgie-12642.html |site=AlloDocteurs |date=2014-02-15 |consulté le=2022-12-06}}.</ref>.
 
=== Le voyage de Lourdes : témoignage posthume ===
Après son succès aux États-Unis, Carrel retourna au [[sanctuaire de Lourdes]], en profitant de ses vacances, à partir de 1909<ref group=uft name=p47>{{p.| 47}}.</ref>. En dépit du cauchemar subi à Lyon en 1902, il continuait à y étudier d’un point de vue médical l'effet du sanctuaire sur les malades<ref name=inconnu group=note />, en visitant le bureau des constatations médicales sous la direction du docteur Gustave Boissarie. En 1910, il fut à nouveau témoin d'une guérison immédiate d'un enfant de dix-huit mois, aveugle-né<ref name=jaki />{{,}}<ref name=ddd />. Carrel fut impressionné par le zèle de son infirmière, qui était catholique pratiquante. Ils se marièrent en 1913<ref name="ddd">Henriette Delaye-Didier-Delorme, ''Alexis Carrel - humaniste chrétien - Prix Nobel 1912'', p. 45 - 46, 1963 [https://books.google.fr/books?id=daoCEAAAQBAJ&pg=PT45]</ref>.
 
Parmi les œuvres d'Alexis Carrel, ''Le voyage de Lourdes'' reste une publication particulière. Ce livre ne fut publié qu'en 1949, après le décès de l'auteur<ref name="lourdes">Éditions Ars&littéræ, 2018 [http://reparti.free.fr/carrel1949.pdf]</ref> et que sa veuve en a découvert le manuscrit dans ses cahiers<ref>[[Prieuré de la Haie-aux-Bonshommes]], ''Alexis Carrel (1873 - 1944)'' [https://www.dominicainsavrille.fr/alexis-carrel-1873-1944/]</ref>.
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Il s'agit d'un témoignage d'une vie intérieure. Alexis Carrel n'avait jamais perdu sa confiance en la science, mais il admettait pareillement l'existence de phénomènes surnaturels ou inexplicables. Contrairement à ce que ses adversaires diffusaient, il ne parlait pas de miracle<ref group=anm name=p4 />{{,}}<ref name=fabiani />{{,}}<ref name=jaki /> : {{Citation|Nous voulons seulement faire remarquer que les phénomènes surnaturels sont bien souvent des faits naturels dont nous ignorons la cause. Si nous trouvons la cause scientifiquement, si nous établissons le fait, chacun est libre de l'interpréter comme il lui plaît. L'analyse ne doit pas être considérée par les catholiques comme une œuvre sacrilège ou comme une attaque. C'est simplement une étude scientifique. La science n'a ni patrie ni religion.}}<ref name="fabiani">Jean-Noël Fabiani, ''Ces histoires insolites qui ont fait la médecine'', p. 84, 2012 [https://books.google.fr/books?id=nCLpldr6LrAC&pg=84]</ref>{{,}}<ref name=lourdes />.
 
Ce qui était présenté dans ''L'Homme, cet inconnu'', c'est l'observation de Carrel que l'existence de la prière est indispensable pour cette guérison instantanée<ref group=note>« La seule condition indispensable au phénomène est la prière. Mais il n'est pas besoin que le malade lui-même prie ou qu'il possède la foi religieuse. Il suffit que quelqu'un près de lui soit en état de prière. » (Carrel, 1935, p. 176)</ref>{{,}}<ref group=note name=carnegie>Un article de Carrel sur la prière, publié dans le ''[[Reader's Digest]]'', fut cité par [[Dale Carnegie]], dans son livre qui fut sorti en 1944 {{en}}{{lire en ligne|lien=https://books.google.fr/books?id=zHBEKfn52l4C&pg=PA174}}.</ref>. Ce qu'il voulait savoir était, donc, comment cette action spirituelle créait un effet médical si extraordinaire. Pour lui, ce mystère restait profond : {{Citation|En général, ce n'est pas celui qui prie pour lui-même qui est guéri. C'est celui qui prie pour les autres. Ce type de prière exige, comme condition préalable, le renoncement à soi-même, c'est-à-dire une forme très élevée de l'[[ascèse]].}}<ref group=ac name=p174>{{p.| 174}}.</ref>. Sujet assez théologique, mais il le présentait dans le contexte de la science de l'homme<ref group="note">Homme de science, Alexis Carrel savait que la médecine aussi a sa limite. Dans un article du ''[[Reader's Digest]]'', publié aux États-Unis et cité par [[Dale Carnegie]], il témoignait : « La prière est une force aussi réelle que la gravité terrestre. En tant que chirurgien, j'ai vu des hommes qui, après que toutes les autres formes de traitement avaient échoué, se débarrassaient de leur maladie et de leur déprime par l'effort serein de la prière. Ce n'est que par la prière que l'on peut atteindre cet ensemble parfait et harmonieux du corps, de l'esprit et de l'âme, qui donne au frêle roseau qu'est l'humain une force inébranlable. » (Traduction par ou citée par Joe Vitale, ''La prière secrète'', p. 102, 2018 [https://books.google.fr/books?id=mehIDwAAQBAJ&pg=PT102])</ref>.
 
=== Controverses ===
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Depuis la publication de ''L'Homme, cet inconnu'' jusqu'ici, le jugement porté sur Alexis Carrel reste toujours ambigu. Quoiqu'il fût loin d'être politique ({{Citation|Celui qui a écrit ce livre n'est pas un philosophe. Il n'est qu'un homme de science}}<ref group=ac name=pi>préface, p. i</ref>), ses écrits sont souvent cités dans un contexte politique et isolé<ref group=da>p. 13 - 18</ref>{{,}}<ref name=cottraux />. Il est symbolique que, le 7 août 1940, [[Emil Ludwig]], ami et célèbre écrivain anti-nazi, lui ait écrit une lettre : {{Citation|J'ai eu une grosse déception… Un de mes amis m'avait prévenu à New York, me disant que vous étiez un fasciste. Je lui ai répondu que cela n'avait aucune importance pour moi. Je fais le portrait d'un éminent scientifique}}<ref name=drouard507 />.
 
Il était membre, depuis 1937, du [[Parti populaire français|PPF]] de [[Jacques Doriot]]. À la suite de pétitions<ref group=note>Notamment par la [[Ligue française pour la défense des droits de l'homme et du citoyen|Ligue des droits de l'homme]]<br />Parmi les signataires d'une des pétitions, on trouve entre autres [[Georges Charpak]], [[Serge Klarsfeld]], [[Pierre Bourdieu]], [[Françoise Héritier]], [[Maurice Rajsfus]], [[Serge Ravanel]], etc.</ref> lancées pour certaines par des mouvements divers<ref>{{Article|langue=fr|prénom=Bernard |nom=Fromentin|titre=À Lyon, la fac de médecine ne s'appellera plus Alexis Carrel, Le nom du prix Nobel «eugéniste» suscitait un malaise|lire en ligne=https://www.liberation.fr/france-archive/1996/01/27/a-lyon-la-fac-de-medecine-ne-s-appellera-plus-alexis-carrelle-nom-du-prix-nobel-eugeniste-suscitait-_158950/|périodique=[[Libération (journal)|Libération]]|date=27 janvier 1996|consulté le=2022-12-13}}.</ref> et antiracistes<ref>{{Lien web |langue=fr|auteur1=Aimée Dupré|titre=Pour une mémoire collective assumée |url=https://mrap.fr/pour-une-memoire-collective-assumee.html|site=[[Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples|MRAP]]|date=2022-12-14 |consulté le=2022-12-14}}.</ref>, la faculté de médecine de l'[[Université Claude-Bernard-Lyon-I|université Lyon I]] Alexis-Carrel {{Incise|faisant partie de l'université Claude-Bernard}} fut rebaptisée<ref group=da name=p17>{{p.| 17}}.</ref> en [[1996]] [[René-Théophile-Hyacinthe Laennec|R. T. H. Laennec]].
 
Les hommages avec son [[Toponymie|toponyme]] suscitent la polémique. À [[Paris]], la rue Alexis-Carrel du [[15e arrondissement de Paris|{{15e|arrondissement}}]] fut rebaptisée de façon emblématique [[rue Jean-Pierre-Bloch]]<ref group=note>[[Jean Pierre-Bloch]] (1905-1999), résistant, membre depuis 1934 de la [[Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme]] (LICRA), qu'il préside de 1968 à 1993.</ref>, par décision du conseil municipal<ref name="Parisien">{{Article|langue=fr-FR|auteur=M. C.|titre=La rue Alexis-Carrel sera débaptisée |lire en ligne=https://www.leparisien.fr/paris-75/la-rue-alexis-carrel-sera-debaptisee-12-03-2002-2002887941.php|périodique=[[Le Parisien]]|date=2002-03-11|consulté le=2022-12-14}}.</ref>{{,}}<ref>Arrêté municipal du 24 mai 2002.</ref>. Les noms de rue en hommage à Alexis Carrel existent en France mais sont débaptisés ou sont contestés : [[Rennes]], [[Nantes]] (jusqu'en 1993)<ref>{{Lien web|url= https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/rennes-une-petition-pour-renommer-le-boulevard-alexis-carrel-4977878|titre= Rennes. Une pétition pour renommer le boulevard Alexis-Carrel|site= Ouest-France|date= 08-05-2017}}.</ref>, [[Marseille]] (jusqu'en 2023)<ref>{{Lien web|url= https://marsactu.fr/bref/la-rue-alexis-carrel-effacee-des-murs-de-marseille/|titre= La rue Alexis-Carrel effacée des murs de Marseille|site= Marsactu|date= 07-02-2023}}.</ref>, [[Limoges]]<ref>{{Article|auteur1=Jean-François Julien|titre=Et si on donnait un nom à l’université de Limoges ? [sondage] |lire en ligne=https://www.lepopulaire.fr/limoges-87000/loisirs/et-si-on-donnait-un-nom-a-luniversite-de-limoges-sondage_11120512/|périodique=[[Le Populaire du Centre]]|date=2014-08-26 |consulté le=2022-12-14}}.</ref>, [[Saint-Étienne]]<ref>{{Lien web|url= https://www.leprogres.fr/politique/2022/05/29/faut-il-rebaptiser-la-rue-alexis-carrel|titre= Faut-il rebaptiser la rue Alexis-Carrel ?|site= Le Progrès|date= 29-05-2022}}.</ref>… Au Canada aussi, au [[Québec]] en [[2015]], à [[Gatineau]] la rue Alexis-Carrel devint rue Marie-Curie<ref>[http://m.radio-canada.ca/regions/ottawa/2015/08/05/001-changement-noms-rues-nazisme-gatineau.shtml Des noms de rues associés au nazisme disparaissent à Gatineau.]</ref>. À [[Montréal]], en [[2017]], l'avenue et le parc Alexis-Carrel devinrent avenue [[Rita Levi-Montalcini]] et parc Don-Bosco<ref>{{article|date=2017-08-09|lire en ligne=http://www.lapresse.ca/actualites/montreal/201708/09/01-5123096-alexis-carrel-efface-de-montreal.php|titre=Alexis Carrel effacé de Montréal|auteur=Marissa Groguhé|périodique=La Presse}}.</ref>.
 
Entre les deux guerres, en 1935, il résumait toutefois sa vie : « Il vit à la fois dans le Nouveau Monde et dans l'Ancien. Il passe la plus grande partie de son temps au Rockefeller Institute for Medical Research, car il est un des hommes de science rassemblés dans cet Institut par [[Simon Flexner]]. Grâce au génie de Flexner, l'étude des êtres vivants a été abordée dans ces laboratoires, avec une ampleur inégalée jusqu'à présent »<ref group=ac name=pii>préface, p. ii</ref>. Il s'agissait de sa vraie adhésion<ref name=el"2008_journals.openedition.org_E._Picard">Étienne Lepicard, ''La biomédecine à la croisée de la littérature et de l'histoire'', résumé de l'[[École pratique des hautes études]], 2008 [https://journals.openedition.org/ashp/495]</ref>. Encore faut-il remarquer que son supérieur et défenseur Flexner aussi était juif<ref>Helen Horowitz, ''The Power and Passion of M. Carey Thomas'', p. 364, 1999 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=SRH9y2sADSIC&pg=PA364]</ref>, dont le frère, Bernard Flexner, fut le premier président de la Société économique palestinienne (Palestine Economic Corporation) dans le cadre du [[sionisme]]<ref>New York Times, le 4 mai 1948 {{en}} [https://www.nytimes.com/1945/05/04/archives/bernard-flexner-jewish-leader-80-first-president-of-palestine.html]</ref>.
 
Un témoin de cette confession fut le docteur Richard John Bing (décédé en 2010), un des cardiologues les plus importants du {{s-|XX|e}}. Originaire de [[Nuremberg]] en Allemagne, ce jeune chercheur juif, qui travaillait à l'institut [[Carlsberg]] de [[Copenhague]], était menacé par le nazisme. En visitant ce laboratoire, Carrel et Lindbergh décidèrent de lui recommander de s'en aller aux États-Unis, puis soutinrent son installation au sein de l'institut Rockefeller et sa naturalisation. Aussi Bing arriva-t-il à New York en 1936<ref>Heinrich Taegtmayer, ''Richard J. Bing, MD'', 2021 {{en}} [https://www.karger.com/Article/Pdf/519020]</ref>{{,}}<ref>James Pittman, ''Tinsley Harrison, M.D.'', p. 262, 2013 {{en}} [https://books.google.fr/books?id=UbRjDwAAQBAJ&pg=PA262]</ref>.
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* [[Prix Nobel de physiologie ou médecine]] : 1912
* {{Déco COIC}} (Espagne) en 1913<ref>''The American Journal of Tropical Diseases and Preventive'', 1913, p. 95 ; ''[[Science (revue)|Science]]'', tome 37, p. 624, 1913 ; consultés en ligne le 3 mars 2022</ref>
* {{Déco Commandeur de l'ordre de Léopold}} (Belgique) en 1937<ref name="leopold">Université Rockefeller, ''Alexis Carrel and King Leopold III of Belgium'', 2006 [https://digitalcommons.rockefeller.edu/odyssey-science-medicine/32/](photo)</ref> ; Officier en 1916<ref group=anm name=p60>{{p.| 60}}.</ref>
* {{Déco Commandeur de la Légion d'honneur}} (France) le 12 juillet 1917 ; Chevalier le 17 février 1913 ; Officier le 5 août 1915<ref name="leonore">Base de données Léonore (Grande chancellerie de la Légion d'honneur), Notice c-132383 : Marie-Joseph-Auguste Carrel-Billard [https://www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr/ui/notice/67471]</ref>
* [[Ordre royal de Saint-Sava]] ([[Royaume de Serbie]]) : 1917<ref group=dh name=p255>{{p.| 255}}.</ref>
* {{Déco Commandeur grand-croix de l'ordre royal de l'Étoile polaire}}<ref name=laureat_nobel_1912 /> (Suède) : 1918<ref group=dh name=p255 />
* {{Déco Ordre de Saint-Michel et Saint-Georges}} (Royaume-Uni)
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En 2000, l'équipe britannique, qui avait donné naissance à [[Dolly (brebis)|Dolly]] en [[clonage]], choisit les noms d'Alexis et de Carrel, pour deux des cinq [[porcelet]]s femelles clonés<ref>[[British Broadcasting Corporation]], ''Scientists produce five pig clones'', le 14 mars 2000 {{en}} [http://news.bbc.co.uk/2/hi/science/nature/676906.stm]</ref>.
 
Alexis Carrel est mis à l'honneur dans plusieurs [[Toponymie|toponymes]] en France, mais [[#DissociationsControverses|plusieurs d'entre elles furent renommées]] depuis les [[années 1990]] suite aux controverses<ref>{{Lien web|url= https://cluny-histoiresdhistoire.com/2021/10/30/les-noms-de-nos-rues-racontent-lhistoire-2/|titre= Les noms de nos rues racontent l’histoire|site= Cluny Histoires d'histoire|date= 30-10-2021}}.</ref>{{,}}<ref>{{Lien web|url= https://www.liberation.fr/sciences/1998/02/10/l-histoire-carrel-au-rancart_229434/|titre= L'histoire. Carrel au rancart?|site= Libération|date= 10-02-1998}}.</ref>.
 
Le [[Rassemblement national|Front national]] (FN) entreprend au début des années 1990 une campagne destinée à promouvoir la figure d'Alexis Carrel, le présentant comme un savant humaniste et un « père de l’écologie ». Le [[Front national de la jeunesse]] (FNJ) choisit en 2005 de placer son université d'été « sous le patronage » d'Alexis Carrel<ref>{{Lien web |langue=fr |prénom=Christophe |nom=Forcari |titre=Le pétainiste Carrel, idole des jeunes du FN |url=https://www.liberation.fr/france/2005/07/02/le-petainiste-carrel-idole-des-jeunes-du-fn_525401 |site=Libération.fr |date=2005-07-02 }}.</ref>.
 
Un timbre à son effigie a été émis en Suède en 1972 (série Lauréats de Prix Nobel)<ref>Catalogue mondial Yvert & Tellier de cotation. Timbres d'Europe.</ref>.
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=== Références ===
{{Références nombreuses|taille=24}} | références=
 
<ref name="www.universalis.fr">{{article encyclopédique|langue=fr-FR|titre=ALEXIS CARREL|encyclopédie=Encyclopædia Universalis
| url=https://www.universalis.fr/encyclopedie/alexis-carrel/
| consulté le=2022-12-06|site=Encyclopædia Universalis}}.</ref>
 
}}
 
== Annexes ==
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{{références|colonnes=4|group=ad | références=
 
<!--ref group="ad" name="page_xii">{{p.| xii}}.</ref-->.
 
}}
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