LE POUVOIR MONARCHIQUE

MICHEL SOT

HÉRÉDITÉ ROYALE ET POUVOIR SACRÉ AVANT 987

Le 22 mai 987, le roi carolingien Louis V meurt des suites d'un accident de chasse en forêt de Senlis. Il n'a pas de fils. Son plus proche parent, qui prétend à sa succession, est son oncle paternel Charles de Basse-Lorraine. Or, les grands de Francie occidentale vont élire comme roi le duc des Francs Hugues Capet, de la famille des Robertiens, qui est sacré à Noyon le 3 juillet 987 '.

Cet événement est aujourd'hui considéré comme fondateur parce que les descendants d'Hugues Capet ont conservé le trône pendant plus de huit siècles et se sont identifiés à la nation. On trouverait difficilement dans l'histoire universelle comportement plus dynastique que le leur. A tel point que dans la conscience commune, l'idée de monarchie est étroitement associée à celle d'hérédité. Or, il faut bien se rendre à l'évidence : d'un point de vue strictement dynastique l'avènement d'Hugues Capet est une usurpation.

La difficulté n'avait pas échappé aux historiens des xie, xne et xme siècles ; elle a même été une de leurs grandes préoccupations. Au fur et à mesure que s'affirmait l'hérédité capétienne, ils ont tout fait pour gommer cette usurpation initiale et établir une continuité entre Carolingiens et Capétiens, ou du moins le retour du royaume à la descendance de Charlemagne2. Mais on peut se demander si cette conception absolument dynastique du pouvoir royal n'est pas postérieure à la fin du ixe siècle, et, de ce point de vue, il me semble qu'on a trop souvent examiné la question d'après les sources postérieures à 987.

Je voudrais ici étudier comment s'opèrent les avènements royaux avant 987, et mettre en perspective l'avènement d'Hugues Capet avec les avènements qui l'ont précédé et non avec ceux qui l'ont suivi. Hugues est, en un siècle, le quatrième roi non carolingien élevé au trône de Francie occidentale. Eudes, grand-

AnnalesESC, mai-juin 1988, n° 3, pp. 705-733.

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