Le haïbun est une composition littéraire mêlant prose et haïku. La Sente étroite du Bout-du-Monde de Bashō est l'un des exemples les plus célèbres du genre.

Historique

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L’histoire de la littérature japonaise remonte à l’aube du VIIIe siècle, réservant très tôt une place primordiale à la poésie. En ce temps-là, la littérature, apanage de la Cour, revêt des formes variées telles que chroniques, annales, notes, tandis qu’apparaissent les premières anthologies poétiques. Le waka, poème lyrique court de 5-7-5 et 7-7 syllabes, ancêtre du tanka, relève d’une pratique courante chez les gens de condition, hommes et femmes, au point qu’au Xe siècle il soit central dans les échanges de correspondance où il s’enrichit de commentaires écrits en prose. À l’époque médiévale, les nikki (notes de voyage, mémoires et journaux) sont déjà nombreux[1]. Ils constituent assurément un terreau propice à l’éclosion de cette prose littéraire poétique des plus abouties, que Matsuo Bashô mettra magnifiquement à l’honneur dans son célèbre haïbun La Sente étroite du bout du monde , inspiré par son périple entrepris en 1689 vers le Nord du Japon.

Dans ses traductions intitulées Journaux de Voyage , René Sieffert commente les récits de Bashō : « Ses journaux de voyage sont composés en prose rythmée parsemée, de-ci de-là, de hokku dans lesquels se cristallise une impression fugitive, longuement préparée par la description d’un paysage, par une méditation devant un vestige du passé, devant un site illustre » [2].

Le terme haibun est utilisé pour la première fois par le poète du XVIIe siècle Matsuo Bashō, dans une lettre à son disciple Mukai Kyorai en 1690[3].

Par la suite, au début du XIXe siècle, Kobayashi Issa aussi nous a laissé plusieurs textes célèbres de haibun, dont le Oraga haru (おらが春) et le Chichi no shūen nikki (父の終焉日記)- cette dernière œuvre passant pour être à l'origine du genre watakushi shōsetsu ("roman à la première personne" ou "roman naturaliste") dans la littérature japonaise, avant même toute influence occidentale [4],[5].

À l'époque moderne (après la Restauration Meiji), un genre de prose poétique appelé Shasei bun (写生文), prôné entre autres par Masaoka Shiki, constitua une tentative d'allier l'esprit hybride et la liberté de ton du haibun à une certaine rigueur descriptive inspirée de la littérature naturaliste occidentale, mais elle ne fut pas suivie d'un réel courant littéraire, si on excepte le succès du roman emaillé de haïkus de Natsume Sōseki Oreiller d'herbes (Kusa makura, 草枕)[6]. Cependant, aux XXe et XXIe siècles encore, on peut dire que les poètes de haïku japonais continuent à produire des textes "dans l'esprit du haïbun", incorporant des haïkus dans la prose, et jouant sur les effets de rupture que permet le passage de l'un à l'autre [7].  

Internationalisation

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Le haïbun a connu au cours des siècles différentes évolutions et écoles. L’Occident, qui l’a approché entre autres à la faveur des traductions faites du japonais, s’est découvert un certain goût pour le genre, dès les années 1990 dans la sphère anglophone, plus tard dans la sphère francophone[8].

Notes et références

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  1. Jacqueline Pigeot, Michiyuki-bun : Poétique de l’itinéraire dans la littérature du Japon ancien, Maisonneuve et Larose, 1982 ; édition revue et corrigée, Paris, Collège de France/Institut des Hautes Études Japonaises, 2009
  2. Traductions en français des sept journaux de voyage de Bashō :
    • 1976. Voyage poétique à travers le Japon d'autrefois. La Route étroite vers les Districts du Nord et haiku choisis (trad. de A Haiku Journey: Basho's The Narrow Road to the Far North and Selected Haiku depuis l'anglais par Nicolas Bouvier), Fribourg, éd. de l'Office du livre, coll. « Bibliothèque des arts », 111 pages, pas d'ISBN (OCLC 4289990) (rééd. 2006 sans les photos de Dennis Stock, Le Chemin étroit vers les contrées du Nord. Précédé par huit haïku, Genève, éd. Héros-Limite, 80 pages, (ISBN 978-2-940358-13-7) — Retraduction en français d'un ouvrage en anglais de 1974 (trad. Dorothy Britton du journal de voyage Oku no hosomichi plus huit haïkus choisis, illustré de photos de Dennis Stock(en allemand), (ISBN 0-87011-239-2).
    • 1976. Journaux de voyage (trad. René Sieffert), éd. POF, coll. « Les Trois grands du XVIIe siècle » no 1 & Unesco, coll. « Collection Unesco d'œuvres representatives : série japonaise », 122 pages, (ISBN 2-7169-0036-1) (rééd. 1978, (ISBN 2-7169-0090-6) ; réimpr. 1984, coll. « Les œuvres capitales de la littérature japonaise » ; rééd. 1988, (ISBN 2-7169-0196-1) ; 2001, (ISBN 2-7169-0327-1) — Traduction de l'intégralité des sept journaux de voyage Soit : Nozarashi kikô, Kashima kikô, Oi no kobumi, Sarashina kikô, Oku no hosomichi, Saga nikki, Genju-an no ki (« Dussent blanchir mes os - Notes de voyage », « Notes d'un voyage à Kashima », « Le Carnet de la hotte », « Notes d'un voyage à Sarashina », « La Sente étroite du Bout-du-Monde », « Le Journal de Saga », « Notes de l'ermitage de Genjû / Notes de la demeure d'illusion »).
    • 1988. L'Ermitage d'illusion (trad. Jacques Bussy), éd. La Délirante, 60 pages, (ISBN 2-85745-004-4) — Traduction du journal Genjû-an no ki
    • 2004. Sur le chemin étroit du Nord profond (trad. Manda ; bilingue), éd. Atelier Manda, 128 pages, (ISBN 978-2-9523257-0-7) — Traduction d'extraits du journal de voyage Oku no hosomichi, calligraphiée et illustrée.
    • 2005. Carnets de voyage (trad. Manda ; bilingue), éd. Atelier Manda, 180 pages, (ISBN 978-2-9523257-1-4) — Traduction d'extraits du journal de voyage Nozarashi kikô, calligraphiée et illustrée.
    • 2008. L'Étroit chemin du fond (trad. et commentaire Alain Walter ; bilingue), éd. William Blake, 267 pages, (ISBN 978-2-84103-163-4) — Traduction du journal de voyage Oku no hosomichi.
    • 2014. Mes os blancs sur la lande et À propos de la transplantation du bananier (trad. et commentaire Alain Walter ; bilingue), éd. William Blake, 215 pages, (ISBN 978-2-84103-213-6) — Traduction du journal de voyage Nozarashi kikô et de Bashô wo utsusu kotoba.
    • 2018. Pèlerinage à Kashima, l'île-aux-daims (trad. et commentaire Alain Walter ; bilingue), éd. William Blake, 80 pages, (ISBN 978-2-84103-224-2) — Traduction du journal de voyage Kashima mōde.
    • 2022. Le carnet de la hotte (trad. et commentaire Alain Walter ; bilingue), éd. William Blake, 244 pages, (ISBN 978-2841032273) — Traduction du journal de voyage Oi no kobumi.
    • 2023.Notes d’un voyage à Sarashina (trad. et commentaire Alain Walter ; bilingue), éd. William Blake, 124 pages, (ISBN 978-2841032327) — Traduction du journal de voyage Sarashina Kikō
  3. Shirane Haruo (en). Traces of Dreams: Landscape, Cultural Memory, and the Poetry of Bashō. Stanford University Press, 1998. (ISBN 9780804730990). p212
  4. Katsuyuki Yaba (ja), Kobayashi Issa - Hito to bungaku, Bensei shuppan, Tokyo, 2004 / 矢羽勝幸著『小林一茶ー人と文学ー』(勉誠出版、2004年)
  5. Issa Kobayashi, Journal des derniers jours de mon père - Chichi no shūen nikki , traduction du haibun de Kobayashi Issa par Seegan Mabesoone, Pippa Éditions, 2014, (ISBN 978-2-916506-54-8)
  6. Minoru Horikiri (ja), Haibun shi kenkyu josetsu, Waseda daigaku shuppanbu, 1990 / 堀切 実 ,俳文史研究序説  早稲田大学出版部 1990
  7. Voir entre autres : Genji Hosoya, Criminel pour quelques haïkus... - Mémoires de prison d’un haïjin pacifiste (1941-1945) 細谷源二『俳句事件』, Pippa Éditions, 2022, (ISBN 978-2-37679-062-4) ou Tōta Kaneko, Cet été-là, j’étais soldat... - Mémoires de guerre d’un maître de haïku 金子兜太『あの夏、兵士だった私』, Pippa Éditions, 2018, (ISBN 978-2-37679-010-5).
  8. Voir entre autres : Normandie, été 76 (roman-haïbun) de Seegan Mabesoone, Pippa Éditions (Paris), 2021 (ISBN 9782376790532), Ulysse Pacifique (roman-haïbun, AFAH, 2022, Lire la Partie 1) ainsi que tous les numéros de « L'écho de l'étroit chemin », revue de l'Association Francophone des Auteurs de Haïbun.
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